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L’externalisation dans le domaine des visas Schengen

Outsourcing Schengen visas
Gérard Beaudu
p. 85-109

Résumés

L'externalisation, stratégie courante dans la gestion des entreprises privées, touche désormais les administrations publiques. Depuis peu, les consulats eux aussi recourent de plus en plus à des prestataires de services extérieurs auxquels ils confient des tâches qui relevaient jusque là de leur activité visas. L’article décrit de façon détaillée la réalité de l'externalisation dans le domaine des visas Schengen. Au-delà de la présentation factuelle, l'auteur met en lumière les motivations de l'externalisation et attire l'attention sur une série de problèmes juridiques et politiques qui vont de pair avec ce phénomène : respect du droit communautaire, intérêt des demandeurs de visas, dépendance vis-à-vis des prestataires, protection des données, rapports avec les pays tiers. L'analyse est centrée sur la politique des Etats Schengen mais elle inclut également des développements révélateurs sur l'expérience du Royaume-Uni dans ce domaine.

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Texte intégral

1Depuis quelques années, un nombre croissant de consulats des Etats membres se sont engagés dans une voie nouvelle, celle du recours aux services d’opérateurs privés qui exécutent une série de tâches faisant normalement partie de la « procédure visas » et qui étaient assurées jusque-là par les services visas des consulats. Ces tâches sous-traitées à des prestataires extérieurs incluent le planning et la gestion des rendez-vous des demandeurs de visa au consulat, l’information par téléphone ou par le biais de sites Internet sur les procédures à suivre, la réception, la vérification et la transmission des dossiers aux consulats, l’encaissement des frais de dossier et, enfin, la restitution des passeports aux demandeurs. Pour ces tâches, les opérateurs perçoivent une rémunération versée non pas par les consulats, mais par les demandeurs de visa eux-mêmes.

  • 1 . Dernière édition publiée au JO C 326 du 22 décembre 2005.

2La présente contribution vise tout d’abord à décrire aussi précisément que possible un phénomène qui a débuté en 2004-2005 et qui n’a guère été étudié jusqu’à présent. Elle s’attachera ensuite à attirer l’attention sur un certain nombre d’incertitudes et de risques qui vont de pair avec l’externalisation, ainsi qu’à mettre en évidence les problèmes juridiques spécifiques qu’elle pose au regard du droit communautaire et, en particulier, des Instructions consulaires communes (ICC) 1, tant du point de vue de son principe que de ses modalités pratiques. Enfin, une dernière partie sera consacrée aux perspectives d’avenir ouvertes par les propositions présentées par la Commission européenne pour donner un cadre juridique à l’externalisation dans le domaine des visas.

  • 2 . L’expression « Etats Schengen » correspond aux Etats Schengen à la date de clôture de l’étude (25 (...)

3Comme l’indique le titre de cet article, l’étude est centrée sur la pratique des Etats Schengen 2 ainsi que sur l’acquis Schengen et son développement. Toutefois, il sera tenu compte également du Royaume-Uni qui, plus tôt et dans une plus large mesure que les Etats Schengen, a eu recours à l’externalisation. Cette expérience pourra fournir un éclairage utile pour cette présente étude.

Contenu et importance de l’externalisation

Les domaines de l’activité visas couverts par l’externalisation

La fixation des rendez-vous au consulat par l’intermédiaire d’un centre d’appel

4Il s’agit pour un consulat de confier à un prestataire extérieur le soin d’organiser et de gérer les rendez-vous des demandeurs de visas. Pour ce faire, le prestataire met en place un centre d’appel téléphonique auquel les demandeurs doivent s’adresser. Selon les disponibilités et quotas définis par le consulat, le prestataire fixe les dates de rendez-vous aux demandeurs et établit un planning, qu’il fournit à l’avance au consulat selon une périodicité fixée par celui-ci. Les plannings fournis au consulat comportent un nombre variable de données concernant les demandeurs (éléments d’identité, références du passeport, catégorie de visa demandé).

5Dans certains cas, les agents du centre d’appel fournissent aux demandeurs des informations de base sur la constitution du dossier et les justificatifs à fournir.

6L’appel pour la prise du rendez-vous est fixé à un tarif commercial (supérieur au prix d’une communication téléphonique locale au tarif standard) de façon à assurer la rémunération du prestataire. Les sites des prestataires ou des consulats informent les demandeurs du coût de la communication au centre d’appel, qui n’est pas négligeable, comme l’illustrent les exemples suivants. A Ankara, le demandeur de visa qui s’adresse au centre d’appel d’IKS Innovative Key Solutions doit s’acquitter pour la communication téléphonique d’un montant forfaitaire de 18 YTL (9 €), qui couvre à la fois la fixation du rendez-vous et d’éventuelles informations. A Londres, les demandeurs doivent, pour obtenir un rendez-vous auprès de la quasi-totalité des consulats des Etats membres, passer par l’intermédiaire d’un centre d’appel géré par Cablecom Productions, lequel facture la communication à 1 £ (1,47 €) / minute. A Kiev, la prise de rendez-vous à l’ambassade d’Allemagne par le biais du centre VFS est facturée 5 €.

7Dans la logique de ce système, les demandeurs de visa ne peuvent pas se présenter au consulat sans avoir obtenu au préalable un rendez-vous par l’intermédiaire du centre d’appel. Toutefois, les consulats recourant aux services de centres d’appel extérieurs prévoient en général que certaines catégories de personnes (cas humanitaires, situations d’urgence prouvées, diplomates) peuvent demander un rendez-vous directement au consulat, ou même s’y présenter sans rendez-vous pour introduire leur demande.

8Le système des centres d’appel externalisés présente, pour le consulat qui y a recours, plusieurs avantages. Tout d’abord, le centre d’appel permet de gérer de façon optimale la charge de travail du consulat en assurant un flux régulier de demandeurs de visa aux guichets. Il fait disparaître les queues sur les trottoirs, à la fois préjudiciables à l’image des consulats et contraires à la dignité des demandeurs. Ensuite, le centre d’appel libère les agents du consulat de la tâche astreignante d’organiser les rendez-vous. Enfin, le recours au centre d’appel est financièrement particulièrement intéressant puisque son coût est supporté intégralement par les demandeurs de visa, à travers la tarification appliquée par le prestataire. N’étant pas obligé d’organiser lui-même les rendez-vous, le consulat épargne des ressources (en personnel et locaux) qui peuvent être affectées à d’autres activités.

L’information des demandeurs de visa

9Les prestataires qui coopèrent avec des consulats mettent en place un site Internet dédié aux informations concernant le domaine des visas. Pour étudier les caractéristiques et le contenu de ces sites, il est commode de se référer à la pratique de la société Visa Facilitation Services (VFS Global), qui a la plus grande expérience du point de vue du nombre de consulats d’Etats membres avec lesquels elle coopère et du nombre de pays tiers dans lesquels elle exerce ses activités.

10Les sites Internet de VFS, auxquels les rubriques « visas » des sites des consulats qui coopèrent avec VFS font renvoi, ont une dénomination qui combine généralement l’Etat membre concerné et la société VFS (par exemple Netherlands Visa - VFS Global en Russie, Austria Visa – VFS Global en Inde). Les sites VFS donnent en général l’information selon laquelle un contrat a été conclu entre l’ambassade ou le consulat concerné et la société VFS. Dans certains pays, la situation contractuelle est plus complexe puisque VFS a sous-traité à son tour l’activité visas à une autre société locale. Le site de VFS pour les Pays-Bas en Russie informe ainsi le public que VFS a désigné la société Interstamp Services pour effectuer les tâches relatives au traitement des demandes de visa. De la même manière, le site de VFS pour l’Italie en Ukraine signale que la société RNT agit pour le compte de VFS.

  • 3 . Voir les sites www.espvac-ua.com et www.contactcentre-de-ua.com

11Certains sites de VFS sont beaucoup moins explicites sur les intervenants : ceux pour l’Espagne et l’Allemagne en Ukraine 3, intitulés respectivement Spain Visa Application Centre et German Visa, n’indiquent nulle part qu’ils sont gérés par VFS. C’est seulement sur le site central de VFS Global que l’on a confirmation que VFS est effectivement partenaire de l’Espagne et de l’Allemagne en Ukraine.

12La structure des sites Internet de VFS suit le même schéma et, avec quelques variantes locales, comporte les éléments suivants : une introduction indiquant aux demandeurs qui peut s’adresser au(x) centre(s) VFS et précisant la localisation de ce(s) centre(s) ainsi que les jours et heures d’ouverture ; une rubrique avec les formulaires de demandes de visa à télécharger ; diverses listes de documents à fournir en fonction du type de visa demandé ; une information sur les spécifications relatives aux photos ; une information sur les frais de dossier et la commission du prestataire ainsi que sur les modalités de leur paiement. Certains sites de VFS comportent en outre une rubrique « questions fréquentes », dont le contenu informatif est très variable. Parfois, il se limite à quelques renseignements pratiques relatifs à la procédure visas, parfois il va bien au-delà et explique l’espace Schengen, les règles relatives au visa Schengen, la durée du séjour, les contrôles aux frontières, etc.

13La plupart des sites de VFS sont rédigés uniquement en anglais et les formulaires de demandes de visa à télécharger ne sont eux aussi disponibles qu’en anglais. Plusieurs exceptions sont toutefois à signaler : en Russie, les sites de VFS pour la Belgique, la France et les Pays-Bas comportent une version en russe. Sur le site de VFS pour l’Italie au Maroc, les informations et formulaires sont disponibles en français. En Ukraine, les sites de VFS pour la Belgique et l’Italie offrent une version en ukrainien, en plus de la version anglaise, tandis que le site des Pays-Bas ajoute même une troisième version en russe. Toutefois, sur ces trois sites en Ukraine, les formulaires de demande de visa sont disponibles seulement en anglais. Les sites de VFS en Chine pour l’Allemagne et l’Italie ont une version en chinois et permettent de télécharger des formulaires de demande de visa bilingues, allemand-chinois et italien-chinois. Indépendamment des sites Internet, il se peut que les prestataires offrent des traductions de formulaires dans leurs locaux, sous format papier.

  • 4 . Voir par exemple les consulats allemands, qui mettent à disposition des traductions en diverses l (...)

14Divers consulats 4 proposent également des traductions de formulaires de demande de visa dans la/une langue du pays tiers concerné (soit le formulaire lui-même est disponible dans cette langue, soit une traduction à titre d’aide à la compréhension est offerte aux demandeurs).

  • 5 . Voir l’annexe n°2
  • 6 . www.netherlands-embassy.com.ua

15Les sites de VFS ne donnent généralement pas d’information sur les refus de visa et sur d’éventuelles voies de recours. Concernant les frais de dossier, l’information est dans la plupart des cas incomplète voire inexacte 5. Les sites de VFS pour les Etats Schengen ne font aucune mention de la protection de la confidentialité des données personnelles des demandeurs de visa ni du traitement auquel ces données sont soumises. Alors que le site de l’ambassade des Pays-Bas à Kiev comporte une rubrique de « questions fréquentes » qui traite notamment de la protection des données, le site de VFS pour les Pays-Bas en Ukraine demeure muet sur la question 6.

16Les sites Internet des prestataires autres que VFS présentent en général les mêmes caractéristiques quant au contenu et aux modalités de l’information donnée aux demandeurs de visa.

La réception des demandes de visa et leur acheminement au consulat

17Le prestataire extérieur est chargé de réceptionner les demandes de visa, d’encaisser les frais de dossier, de transmettre au consulat compétent l’ensemble du dossier (avec le passeport du demandeur et les justificatifs exigés).

18Les modalités particulières de l’externalisation et son étendue varient selon les Etats membres, les prestataires et les villes concernés.

19Le rôle du prestataire va souvent au-delà de la simple réception matérielle des demandes de visa et de leur transmission au consulat. Dans certains cas, le prestataire effectue une première vérification du dossier pour s’assurer que la demande est dûment remplie et signée, puis sur la base d’une liste de contrôle établie par le consulat, que les justificatifs requis sont joints. Parfois, le prestataire offre au demandeur de visa, comme service additionnel, une assistance pour remplir le formulaire.

  • 7 . Voir le décret n°2004-1266 du 26 novembre 2004 publié au JORF n°275 du 26 novembre 2004, p. 20089

20La réception des demandes de visa peut comporter aussi la collecte d’identifiants biométriques (photo et empreintes digitales). S’agissant des empreintes digitales, le Royaume-Uni s’est déjà engagé dans la voie de l’externalisation. L’évaluation positive d’un projet pilote mené au Sri Lanka à partir de 2003 a conduit le Royaume-Uni à généraliser cette approche. Les Etats Schengen, dont certains participent actuellement à une expérimentation de la capture de données biométriques des demandeurs de visa dans le cadre du projet BIODEV 7, n’ont pas à ce jour sous-traité la collecte des empreintes digitales à des prestataires extérieurs, mais une réflexion est en cours sur l’opportunité de recourir à cette option.

21Le service offert par le prestataire est rémunéré par une commission dont le demandeur doit s’acquitter au moment du dépôt de la demande. Le montant de cette commission dépend de plusieurs variables : niveau des prix dans le pays tiers considéré, étendue des tâches sous-traitées, résultat de la négociation menée avec le prestataire. A titre d’exemples, ces commissions représentent l’équivalent de 9 € en Inde (VFS), de 13 € au Ghana (VFS), de 25 € à Istanbul (IVH pour la France), de 21 € en Ukraine (VFS pour la Belgique et les Pays-Bas) et de 29 € à Londres (VFS pour la Belgique).

22La fourniture d’informations au demandeur pour l’aider à constituer son dossier donne lieu à la perception d’une commission distincte à caractère optionnel.

23Le plus souvent, le consulat qui sous-traite la réception des demandes n’impose pas de façon générale et absolue aux demandeurs de visa de s’adresser aux centres de réception en question. Les demandeurs, ou du moins certaines catégories d’entre eux, gardent la possibilité de s’adresser directement au consulat. On peut néanmoins avoir des doutes sur la réalité de cette faculté à la lecture de certains sites Internet de prestataires ou de consulats qui laissent entendre plus ou moins clairement qu’il est plus rapide de recourir au prestataire.

La perception des frais de dossier

24Le prestataire, au moment de la réception du dossier, et après avoir vérifié que le dossier est apparemment complet, encaisse le montant des frais de dossier prévu par les ICC qui, depuis le 1er janvier 2007, est en principe de 60 €.

25Le prestataire gère toute la procédure de perception des frais de dossier : il impose en général un mode de paiement unique (par exemple sous forme de mandats pré-payés ou de virements au profit d’un compte bancaire du consulat) et fournit au demandeur un reçu du paiement des frais de dossier.

26Le prestataire extérieur encaisse également une commission à titre de rémunération de son service.

27Parfois, les modalités de paiement ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit des frais de dossier ou de la rémunération du prestataire, comme le montre la pratique suivie en Ukraine pour les demandes de visa concernant l’Espagne. Les demandeurs de visa doivent d’abord se présenter au centre VFS et payer la commission du prestataire en monnaie locale ; le lendemain, ils doivent se rendre à l’ambassade d’Espagne pour s’acquitter des frais de dossier, obligatoirement en dollars. Une telle procédure ne contribue pas à faciliter les démarches des demandeurs.

L’information en cours de procédure

28La plupart des prestataires extérieurs donnent aux demandeurs la possibilité d’être informés sur le statut de leur demande. Pour avoir accès à cette information, le demandeur se connecte au site Internet du prestataire et introduit son numéro de passeport et son numéro de dossier. Le code barre dont le dossier a été muni au moment de sa réception par le prestataire permet de retracer à quelle étape de la procédure le dossier se trouve. Récemment, certains prestataires ont introduit le SMS comme nouveau vecteur d’information sur l’avancement de la procédure.

29En outre, le prestataire se charge de contacter le demandeur de visa et de fixer un rendez-vous pour un entretien complémentaire lorsque le service consulaire juge, au vu du dossier, qu’un tel entretien est nécessaire avant la prise de décision.

30La valeur ajoutée du système de suivi du dossier via le site Internet du prestataire ou par le biais de SMS n’apparaît pas de façon évidente. En effet, entre le moment où la demande de visa est réceptionnée par le prestataire et le moment où le passeport est restitué au demandeur, le dossier se trouve soit en cours de transport vers/à partir du consulat, soit à l’examen par le consulat. On se demande quelle information supplémentaire utile pourra être recueillie sur le site ou par SMS. Ce service de suivi de dossier offert par le prestataire semble donc présenter un intérêt pratique limité.

La restitution du passeport au demandeur

31Après l’examen de la demande de visa et la prise de décision quant à la délivrance ou au refus du visa par le consulat, le prestataire récupère le dossier dans les locaux du consulat et se charge de le restituer au demandeur de visa.

32Fréquemment, le prestataire « principal » sous-traite la tâche de restitution des documents à un autre prestataire, qui est généralement une société spécialisée de courrier express. En Russie par exemple, VFS a procédé ainsi pour des demandes de visa concernant la France et les Pays-Bas.

L’approche suivie par les Etats membres dans le choix des tâches confiées aux prestataires extérieurs

La fixation des tâches externalisées

33Les modalités de répartition des différentes tâches externalisées sont extrêmement variables et fluctuantes selon les pays tiers et les acteurs en cause.

34Parfois, un prestataire unique assume la chaîne entière des opérations qui peuvent être regroupées en trois grandes catégories : la prise de rendez-vous, la réception des demandes et tâches qui y sont liées, la restitution des passeports aux demandeurs. D’autres fois, plusieurs prestataires se partagent ces activités.

35Il n’est pas rare que le prestataire principal sous-traite la tâche de restitution des documents à un autre prestataire, qui est généralement une société spécialisée de courrier express. La pratique observée jusqu’ici montre que lorsqu’un consulat décide d’externaliser une activité bien définie (par exemple, la réception des demandes de visas), il le fait en s’engageant contractuellement avec un seul prestataire.

36Il est à noter aussi que les Etats qui décident de collaborer avec un prestataire procèdent fréquemment de manière progressive : ils commencent par externaliser une seule tâche (le plus souvent le centre d’appel pour l’organisation des rendez-vous) dans une seule ville et ensuite, selon le degré de satisfaction constaté pendant cette phase considérée comme une sorte de test, ils confient au prestataire d’autres tâches dans un nombre plus grand d’implantations. C’est selon ce schéma que se sont en particulier développées les activités que les Etats membres ont sous-traitées en Inde à VFS.

Les relations contractuelles entre l’Etat membre et le prestataire

  • 8 . Voir à titre d’exemple l’information donnée sur le site www.fransizvizesi.com du prestataire Ista (...)

37Les sites Internet des consulats des Etats membres ainsi que des prestataires ne sont guère prolixes à ce sujet. On y apprend seulement qu’un contrat a été conclu entre un consulat et un prestataire et, qu’au titre de ce contrat, le prestataire est chargé d’effectuer, pour le compte du consulat, un certain nombre de tâches dans le domaine des visas. Le plus souvent les sites énumèrent les tâches concernées et indiquent que le prestataire n’intervient en aucun cas dans la décision sur la demande de visa, laquelle relève de la compétence du seul consulat 8. Enfin, à propos de la commission destinée à rémunérer le prestataire, certains sites signalent que celle-ci a été convenue contractuellement. Il apparaît donc qu’une information très fragmentaire est donnée sur la mission des prestataires.

38L’opacité est totale en ce qui concerne la procédure suivie pour aboutir à la conclusion du contrat d’externalisation (appel d’offres ? procédure de gré à gré ?), les parties au contrat (les consulats sont-ils habilités à s’engager contractuellement ou bien cela relève-t-il de la compétence des ministères des Affaires étrangères ?), la durée du contrat, les clauses de suspension, les sanctions éventuelles. Une illustration très récente de cette opacité est fournie par la mise en place à Pékin d’un centre, VisaFrance. Un communiqué daté du 31 octobre 2007 sur le site Internet de l’ambassade de France en Chine informe de l’ouverture de ce centre appelé à réceptionner les demandes de visa. La « procédure VisaFrance » a vocation à s’appliquer à toutes les demandes, mais il est précisé que les demandeurs qui ne souhaitent pas y faire appel restent libres de s’adresser directement à l’ambassade. Aucune information n’est donnée quant au statut juridique de ce centre VisaFrance (prestataire extérieur ? réorganisation des services de l’ambassade par affectation du personnel dans de nouveaux locaux ?). S’il s’agit effectivement d’une externalisation, les sites Internet de l’ambassade de France et de VisaFrance n’indiquent pas (pour le moment) si les demandeurs doivent verser une commission au prestataire et à hauteur de quel montant.

  • 9 . www.ukvisas.gov.uk/servlet/Front?pagename=OpenMarket/Xcelerate/ShowPage&c=Page&cid=1006977150106 (...)

39A l’inverse, un exemple d’effort d’information mérite d’être signalé. L’agence britannique UKvisas a fait connaître par un communiqué de presse du 28 février 2007 diffusé sur son site 9 que, suite à l’aboutissement d’une procédure d’appel d’offres, elle venait de conclure des accords de partenariat avec deux prestataires privés, les sociétés Computer Sciences Corporation (CSC) et VFS Global Ltd. Le communiqué indique lequel des deux partenaires a été retenu pour chacun des dix contrats régionaux, dont il est précisé qu’ils représentent un montant global de 297 millions £ sur cinq ans. Il est expliqué que les tâches externalisées sont regroupées en deux grandes catégories, d’une part la fourniture d’informations au public sur les visas et, d’autre part, la réception des demandes de visa. UKvisas précise dans son communiqué que les deux prestataires couvriront à l’avenir 87 % de la demande de visas britanniques.

Dimension de l’externalisation en matière de visas

  • 10 . Toutefois, le site du ministère français des Affaires étrangères (www.diplomatie.gouv.fr) signale (...)

40La dimension réelle de l’externalisation est difficile à appréhender. En effet, comme nous venons de le voir, les Etats qui y recourent ne sont, pour la grande majorité d’entre eux, guère transparents en la matière et les sites Internet des ministères des Affaires étrangères ne font généralement pas mention de l’externalisation 10. Dans ces conditions, on est forcé, pour glaner des informations à ce sujet, de consulter et confronter les sites des prestataires eux-mêmes et des postes consulaires. Cette méthode, nécessairement aléatoire, permet néanmoins de dresser un tableau approximatif de la situation.

41Parmi les prestataires, il faut distinguer ceux qui font uniquement fonction de centre d’appel pour la prise de rendez-vous et ceux qui prennent en charge une gamme étendue de services liés à la présentation des demandes de visas au consulat.

Les centres d’appels

42Alors qu’ils ont été mis en place dans une série de pays tiers, il est quasiment impossible d’obtenir des informations complètes et précises à leur sujet. Leur existence se manifeste uniquement par un numéro de téléphone indiqué sur les sites Internet des consulats, sans qu’il soit toujours précisé clairement s’il s’agit d’un service du consulat lui-même ou d’un prestataire extérieur. On notera à simple titre d’exemple qu’à Ankara, à Londres et au Caire, la plupart des consulats des Etats Schengen ont sous-traité l’organisation des rendez-vous au consulat à des centres d’appel, gérés respectivement par trois sociétés, IKS Innovative Key Solutions, Cablecom Productions et Vodaphone. La pratique des centres d’appel s’observe également dans divers postes consulaires d’Afrique noire (exemple : la société Africatel).

Les prestataires en charge de la réception et de la transmission des demandes

  • 11 . www.vfsglobal.com

43Au premier rang de ces intervenants, figure VFS Global, société indienne, sans conteste le leader mondial dans la fourniture de services aux postes consulaires. Le site de VFS Global 11 contient des données très instructives sur l’importance de l’externalisation dans le domaine des visas. On y apprend que VFS Global fournit ses services à l’échelle mondiale à dix-sept pays clients (Australie, Canada, Emirats Arabes Unis, Etats-Unis, Inde, Thaïlande, Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède).

  • 12 . Voir annexe I.

44Pour évaluer avec davantage de précision l’importance de l’intervention de VFS pour chacun de ses partenaires, on peut se référer au nombre de pays dans lesquels VFS intervient. VFS est ainsi le partenaire du Royaume-Uni dans vingt-sept pays, de l’Australie dans dix pays. Le classement par ordre décroissant des Etats Schengen pour lesquels VFS intervient est le suivant : Allemagne, Belgique et Italie (dans cinq pays tiers pour chacun), Pays-Bas (dans quatre pays tiers), France et Espagne (dans trois pays tiers pour chacun), Suède (dans deux pays tiers), Autriche et Grèce (dans un pays tiers pour chacun) 12.

  • 13 . Voir le document du Conseil 10700/07 du 12 juin 2007 « Exchange of statistical information on uni (...)

45Enfin, pour affiner encore l’analyse, il est utile d’aller au-delà du simple décompte des pays ou postes consulaires concernés, qui n’est pas suffisamment révélateur, et de tenir compte de l’importance réelle de l’activité visas dans ces pays et postes, telle qu’elle ressort des données statistiques fournies par les Etats membres 13. A la lumière de ces statistiques, on constate que les Etats membres ayant externalisé une partie de l’activité visas à VFS l’ont fait essentiellement dans des pays ou postes consulaires qui traitent un nombre considérable de demandes de visa. Un exemple significatif est celui de Moscou où quatre Etats membres coopèrent avec VFS. Si l’on retient le critère du nombre de visas Schengen A, B et C délivrés en 2006, Moscou représentait en 2006 le poste consulaire le plus important au monde pour chacun de ces quatre Etats membres, à savoir l’Espagne (271 448 visas), la France (249 311 visas), les Pays-Bas (32 738 visas) et la Belgique (20 756 visas). Le total des visas Schengen délivrés par ces quatre Etats membres (574 253) a représenté environ 35 % du total des visas Schengen délivrés en 2006 à Moscou. Dans ces conditions, et même s’il est vrai que les demandes de visa adressées à ces quatre Etats membres ne transitent pas toutes par VFS Global, le constat s’impose que ce prestataire assure à lui seul la réception d’une fraction significative des demandes de visas Schengen traitées à Moscou.

  • 14 . Documents du Conseil sur les missions ciblées en matière de coopération consulaire locale n°15289 (...)

46Comme indiqué en introduction, le recours à l’externalisation dans le domaine des visas est un phénomène récent. Dans le cadre de la politique commune des visas, les premiers documents en faisant état remontent à 2004-2005 14. C’est au cours des années 2006 et 2007 que l’externalisation a connu une accélération avec les nouvelles implantations de VFS Global en Russie (à Moscou pour la Belgique, l’Espagne, la France et les Pays-Bas ainsi qu’à Saint-Petersbourg pour la France), en Chine (à Beijing pour la Belgique), en Inde (pour la Grèce) au Royaume-Uni (pour la Belgique), en Ukraine (à Kiev pour la Belgique, l’Espagne et les Pays-Bas) et au Maroc (à Casablanca pour l’Italie). Concernant le Royaume-Uni, on a vu l’avancée spectaculaire de l’externalisation début 2007 lorsque UKvisas a conclu dix contrats régionaux avec VFS Global et CSC.

  • 15 . http://www.fransizvizesi.com/Content/FR/Schengen.aspx

47En dehors de VFS, les autres prestataires extérieurs assurant diverses tâches liées à la réception des demandes de visas jouent pour l’instant un rôle tout à fait marginal. On peut mentionner la société Istanbul Vize Hizmetleri 15 retenue comme partenaire du consulat de France à Istanbul ainsi que la société DHL, devenue partenaire de l’Espagne et de l’Italie en Bolivie peu après l’introduction de l’obligation de visa à l’égard des Boliviens le 1er avril 2007.

48D’autres prestataires interviennent actuellement dans le domaine de la réception des demandes de visa, mais leur activité est sans commune mesure avec celle de VFS Global, tant du point de vue de la couverture territoriale que du point de vue de la gamme des services rendus, qui se limitent dans leur cas au simple acheminement des demandes. Il s’agit en fait de sociétés de courrier express et, à titre d’exemples, on peut citer FedEx (qui fournit au Pakistan son service de visa drop box aux consulats de Belgique, France, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) et TNT (active en Egypte).

Le contexte et les avantages de l’externalisation

49Les Etats membres qui recourent à l’externalisation dans le domaine des visas justifient leur approche par la volonté de faciliter les démarches des demandeurs de visa, d’offrir davantage de proximité et de confort et de raccourcir les délais de réponse aux demandes de visa. Les Etats membres font valoir que les tâches accomplies par le prestataire constituent un service additionnel qui, en tant que tel, a son coût et justifie une rémunération spécifique.

50Cette prétendue meilleure qualité de service rendue aux demandeurs doit être nuancée. Lorsque le prestataire ouvre dans un pays tiers donné de grande étendue, une série de centres de réception de demandes de visa répartis sur l’ensemble du territoire, il ne fait pas de doute que les demandeurs de visa en tirent profit sur le plan pratique. En Inde par exemple, l’Italie qui dispose de services visa dans trois villes, a conclu un partenariat avec VFS qui a ouvert des centres de réception dans six villes. L’exemple opposé est l’Ukraine. La Belgique et les Pays-Bas, qui disposent de services visa uniquement à Kiev, ont contracté avec VFS qui a ouvert pour chacun de ces deux Etats membres un seul centre de réception, à Kiev. Dans ce cas de figure, il n’y a pour les demandeurs de visas aucun avantage pratique puisque la distance de déplacement reste la même.

  • 16 . En ce qui concerne la France, le sénateur A. Gouteyron a présenté en juin 2007 le rapport d’infor (...)

51Le recours à l’externalisation s’inscrit dans un contexte bien particulier, qui prévaut pour la plupart des Etats membres, à savoir la rigidité budgétaire qui ne permet pas, ni du point de vue du personnel, ni du point de vue des locaux, de répondre de façon adéquate à une demande de visa globalement en hausse. Le recours à l’externalisation a donc représenté la solution « pragmatique » permettant à coût constant d’affronter cette situation. On peut toutefois nourrir quelques doutes quant aux estimations financières qui tentent de démontrer que le montant de frais de dossier, passé de 35 € à 60 € au 1er janvier 2007, ne permet pas de faire face aux coûts réels du traitement des demandes de visa 16.

Les incertitudes et risques de l’externalisation en matière de visas

La dépendance vis-à-vis d’un prestataire unique et la continuité du service des visas

  • 17 . Voir Barthélémy J., Stratégies d’externalisation, Paris, Dunod, 2007 pp. 63-64. L’auteur mentionn (...)

52Les relations du prestataire avec le consulat sont de nature commerciale. La prestation est fournie contre une rémunération et c’est le niveau de cette rémunération par rapport aux coûts attendus qui a incité le prestataire à s’engager dans le domaine des visas. Comme tout acteur économique, le prestataire suivra le développement de son activité dans une logique de profit. Une évolution jugée insatisfaisante à cet égard, ou insuffisamment satisfaisante, pourra conduire le prestataire à chercher à renégocier le niveau de sa rémunération, éventuellement à reconsidérer son activité visas et, le cas échéant, à y renoncer. Du point de vue du prestataire, ces considérations et décisions relèvent de sa stratégie économique. Pour le consulat concerné, la situation peut devenir beaucoup plus délicate car un consulat qui s’est engagé dans l’externalisation ne dispose plus de ce fait des moyens (personnel, locaux) pour assurer à lui seul l’intégralité de l’activité visas 17.

53En cas de réorientation ou de défaillance du prestataire, des solutions de rechange à court terme sont pour le moins problématiques. Compte tenu des contraintes budgétaires, tant en termes de choix politiques que de délais de programmation, le consulat ne peut guère espérer des renforts en personnel (envoi de personnel statutaire ou engagement de personnel sur contrat local). Le recours à un autre prestataire n’est pas envisageable dans la plupart des pays tiers où, comme l’expérience le montre, il y a généralement une situation de monopole de la part d’un prestataire unique qui, dans la quasi-totalité des cas, est la société VFS.

Le contrôle exercé sur le prestataire

54S’il est vrai, comme le soulignent les Etats membres, que les prestataires n’interviennent pas dans la décision sur la demande de visa, qui relève de la seule compétence des services consulaires, il n’en reste pas moins que la sous-traitance de tâches qualifiées de purement matérielles ou annexes peut conduire à des dérives préjudiciables à la bonne administration et à la sécurité.

  • 18 . Voir Le Monde du 17 mai 2007, qui rend compte de cas de corruption du personnel local du consulat (...)

55La réalité de ces risques peut être illustrée par la fixation des rendez-vous du demandeur de visa au consulat, sous-traitée à des prestataires extérieurs dans des postes confrontés à une demande de visa élevée. On sait que le délai d’obtention d’un rendez-vous au consulat est un sujet sensible dans nombre de pays tiers, ce qui a même parfois conduit à des pressions ou tentatives de corruption de la part de demandeurs de visa désireux, par tous les moyens, d’obtenir un rendez-v ous rapidement 18. L’externalisation se traduit certainement par une meilleure gestion et un gain d’efficacité, mais elle ne peut pas faire disparaître miraculeusement les délais d’obtention de rendez-vous si le problème se situe au niveau des capacités du consulat à traiter les dossiers. Le risque d’éventuelles pressions est donc déplacé vers le prestataire et son personnel. Il importe dans ces conditions que le service consulaire prévoie des mécanismes de contrôle appropriés (vérification du travail du prestataire par des visites inopinées sur place, « tests » de demandes de rendez-vous, contrôle sur le recrutement du personnel) mais l’autonomie de l’entreprise prestataire rend difficile en pratique l’organisation de tels contrôles.

La confidentialité et la protection des données

56Les prestataires ont connaissance de diverses informations relatives aux demandeurs de visas, plus ou moins détaillées selon le degré d’intervention du prestataire. Lorsque le prestataire fait uniquement fonction de centre d’appel pour l’organisation des rendez-vous, il a connaissance d’un nombre limité d’informations, qui sont en général l’identité du demandeur, sa nationalité, le numéro de passeport et le type de visa demandé. Lorsque le prestataire est chargé de réceptionner les demandes et de les transmettre au consulat, il a connaissance de l’intégralité du dossier, y compris des pièces justificatives. On a vu plus haut que les prestataires sont souvent chargés d’effectuer un premier contrôle des dossiers pour s’assurer qu’ils sont complets. Dans le cadre de cette vérification, les agents du prestataire ont accès à toute une série d’informations personnelles qui ressortent du formulaire de demande de visa lui-même ou qui figurent dans les justificatifs annexés. Ces informations ont un caractère sensible : elles portent sur la situation familiale et économique du demandeur (exemples : ressources et biens de l’intéressé, employeur), sur les motifs de son voyage (exemples : personnes ou sociétés visitées dans le pays de destination, liens avec la personne qui invite et situation économique de celle-ci, indications pour un traitement médical ou une hospitalisation) ainsi que sur les voyages antérieurs.

  • 19 . Voir les articles à ce sujet sur : www.computerworlduk.com/management/government-law/public-secto (...)
  • 20 . Disponible sur le site : www.theregister.co.uk
  • 21 . Voir le communiqué de presse du 13 novembre 2007 sur le site d’UKvisas.

57La problématique de l’aptitude du prestataire à assurer un niveau adéquat de protection des données qui sont en sa possession a été illustrée récemment par la défaillance informatique qui a affecté certains sites Internet de VFS Global dans le cadre de sa collaboration avec UKvisas 19. Certains des sites Internet de VFS Global permettaient aux demandeurs d’introduire leur demande de visa en ligne. Dans trois pays (Inde, Russie et Nigeria), un défaut de conception a affecté ces sites, avec pour résultat qu’en se connectant au site du prestataire, il était possible, par une simple manipulation, d’avoir indûment accès aux données personnelles d’autres demandeurs de visa. Une enquête sur cette faille informatique a été confiée à un expert indépendant, Mme L.M. Costelloe Baker, qui a rendu son rapport le 16 juillet 2007 20. Le rapport constate la légèreté avec laquelle le site Internet a été mis en place, l’absence de mesures de précaution et de sécurité informatiques élémentaires et l’incapacité des acteurs impliqués à réagir rapidement lorsque la faille a été portée à leur connaissance. Le rapport a débouché quelques mois plus tard sur la signature par le Foreign and Commonwealth Office (FCO) d’un engagement formel à l’égard de l’Information Commissioner’s Office (ICO), l’autorité britannique en charge de la protection des données 21. Le FCO s’engage à assurer à l’avenir que le traitement des données soit conforme à la Loi sur la protection des données et prend à cet effet une série d’engagements spécifiques (les applications des sites VFS qui permettaient d’introduire les demandes de visa en ligne ne seront pas rouvertes ; UKvisas procédera à un réexamen des procédures de traitement des données ; le site visa4UK utilisé par UKvisas pour les demandes de visa en ligne sera soumis à un monitoring régulier pour garantir une protection efficace contre les accès non autorisés ; l’ensemble du personnel d’UKvisas recevra une formation adéquate en matière de protection des données).

Les facteurs liés au pays tiers où l’externalisation est mise en œuvre

  • 22 . Voir le 27e rapport d’activité 2006 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, (...)

58Le contexte général – situation économique et politique, législation et pratiques locales – peut avoir des incidences variées sur le déroulement de l’activité visas. Il suffit de rappeler les pays tiers dans lesquels les consulats des Etats membres ont externalisé (Chine, Inde, Maroc, Pakistan, Russie, Sri Lanka, Ukraine) pour se rendre compte que les facteurs locaux sont susceptibles d’entraîner des difficultés ou incertitudes juridiques ainsi que des tensions ou pressions de diverses provenances. Ces facteurs pourraient avoir des effets liés aux trois sujets mentionnés précédemment, la continuité du service des visas, les contrôles exercés sur les prestataires ainsi que la confidentialité et la protection des données 22.

Les questions soulevées par l’externalisation du point de vue du droit communautaire

L’externalisation s’est développée en dehors de tout cadre juridique communautaire

  • 23 . Voir point VII.I. des ICC.

59Les ICC laissent aux Etats membres le soin d’organiser leurs services des visas 23. Toutefois, elles prévoient la possibilité que ceux-ci collaborent avec des intermédiaires (prestataires de services administratifs, détaillants et agences de voyage) et elles énoncent dans leur point VIII.5 un certain nombre de règles à suivre en cas de recours à cette collaboration. Cela dit, le champ d’application de cette collaboration est réduit puisqu’il s’agit uniquement de présenter les demandes aux consulats au nom et à la place des demandeurs de visa.

  • 24 . Voir infra, « Les domaines de l’activité visas couverts par l’externalisation ».

60Il apparaît donc que les différentes formes d’externalisation telles que décrites ci-dessus 24 vont beaucoup plus loin que la simple présentation des demandes de visas et que, par conséquent, elles ne reposent actuellement sur aucune base juridique.

La rémunération des prestataires est contraire aux frais de dossier tels que fixés par les ICC ou des accords communautaires de facilitations en matière de visas

61La décision du Conseil 2002/44/CE du 20 décembre 2001 a modifié les ICC en établissant que les droits à percevoir doivent correspondre aux frais administratifs de traitement de la demande de visa. Ces droits sont ainsi des frais de dossier perçus indépendamment du fait que le visa est délivré ou non.

62La décision du Conseil 2003/454/CE du 13 juin 2003 a remplacé les différents montants de droits existant antérieurement par un montant unique de 35 € à percevoir quel que soit le type de visa demandé. Le montant des frais de dossier a été porté à 60 € par la décision du Conseil 2006/440/CE du 1er juin 2006. La France, à l’origine de l’initiative qui a conduit à cette décision, justifiait le relèvement qu’elle proposait du montant des frais de dossier par l’augmentation du coût du traitement des demandes de visa et par les conséquences financières attendues de l’introduction de la biométrie et du Système d’information sur les visas (VIS).

63En outre, la décision 2006/440/CE prévoit que les frais de dossier ne sont pas perçus pour des catégories spécifiques de demandeurs de visa. Par ailleurs, la décision précise que des accords de facilitations en matière de visas à conclure par la Communauté européenne et des pays tiers peuvent comporter des exemptions ou réductions de frais de dossier. Elle ajoute que les frais de dossier restent fixés à 35 € pour les ressortissants de pays tiers pour lesquels un mandat de négociation d’un accord de facilitation de visas a été donné par le Conseil avant le 1er janvier 2007.

64Il résulte des dispositions sus-rappelées du droit communautaire que les frais de dossier tels que fixés par les ICC ou par des accords de facilitations de visas conclus par la Communauté européenne avec des pays tiers sont censés couvrir l’ensemble des frais encourus pour le traitement des demandes de visa, ce qui inclut également et nécessairement la totalité des opérations liées à la réception des demandes de visa, qu’il s’agisse des informations relatives aux procédures à suivre, de la prise d’un rendez-vous pour déposer la demande de visa ou du dépôt lui-même. Toutes ces opérations, désormais externalisées à des prestataires, étaient par le passé effectuées par les consulats eux-mêmes.

  • 25 . JO L 229 du 29 juin 2004 p. 35.
  • 26 . La Commission a engagé courant octobre 2007 une procédure d’infraction à l’égard de six Etats mem (...)

65La pratique actuelle de certains Etats membres d’externaliser une partie de la procédure de traitement des demandes de visa et de permettre au prestataire d’assurer sa rémunération par le biais d’une commission payée par le demandeur de visa va par conséquent à l’encontre des ICC. Elle va également à l’encontre de la directive 2004/38/CE 25 relative à la libre circulation des personnes qui prévoit que les visas délivrés à des membres de la famille de citoyens de l’Union le sont gratuitement 26.

  • 27 . Voir supra la partie sur « Les domaines de l’activité visa couverts par l’externalisation ».
  • 28 . Article 6 de l’accord de facilitation en matière de visas CE/Russie, entré en vigueur le 1er juin (...)

66Au-delà de la dimension purement juridique de la question, il faut souligner l’impact de ces commissions que les demandeurs de visa doivent payer aux prestataires. Il ressort des montants cités précédemment 27 que ces commissions représentent par rapport aux frais de dossier « standard » de 60 € un coût additionnel variable : il est par exemple de 15 % en Inde (VFS), de 40 % en Turquie (IVH) et de 52 % à Londres (VFS). Par rapport au montant de frais de dossier maintenu à 35 € pour les ressortissants russes 28, la commission de 26 € que les demandeurs de visa doivent payer en Russie à VFS (pour la Belgique et les Pays-Bas) constitue un coût additionnel de 74 %.

  • 29 . Disponible sur le site d’UKvisas.
  • 30 . Ibid.

67Dans ce contexte, il convient de faire état de l’expérience du Royaume-Uni. Dans son rapport annuel de 2005 29, le Contrôleur indépendant compétent en matière de procédures d’entrée sur le territoire avait exprimé des doutes quant à la légalité de la pratique d’imposer dans certains postes consulaires aux demandeurs de visa de passer par l’intermédiaire de prestataires et de s’acquitter, en plus des frais de chancellerie, d’une commission pour la rémunération du prestataire. Faisant suite à ce rapport, le système des droits à payer par les demandeurs de visa a été réaménagé en 2007 30. Les frais de chancellerie ont été relevés, mais incluent désormais la rémunération des prestataires, de sorte que les demandeurs n’ont plus à payer une commission au prestataire en plus des frais de chancellerie.

La perception des frais de dossier par le prestataire ou sous son contrôle ne garantit pas le respect des exemptions de frais de dossier prévues par le droit communautaire

68En vertu des ICC telles que modifiées par la décision 2006/440/CE et de la directive 2004/38/CE, certaines catégories de demandeurs de visa sont exemptées d’office du paiement des frais de dossier. Dès lors que le prestataire, au moment de la réception de la demande de visa, encaisse les frais de dossier ou s’assure que le demandeur les a acquittés au préalable, un problème pratique se pose quant aux cas d’exemption de frais de dossier. En effet, c’est le prestataire qui fournit par le biais de son site Internet des informations sur les exemptions de frais de dossier et qui contrôle au moment du dépôt des demandes que les frais à encaisser/ou déjà acquittés sont conformes au droit communautaire.

  • 31 . Voir annexe 2.

69Or, une vérification de l’information donnée par un échantillon de sites Internet de prestataires sur les cas d’exemption de frais de dossier 31 permet de douter sérieusement que les demandeurs de visa ayant droit à une exemption de frais de dossier en bénéficient réellement puisque la majorité des sites ne donnent pas d’information ou une information incomplète à ce sujet. On a peine à imaginer que les erreurs ainsi commises en début de procédure sont rectifiées par la suite par les consulats et donnent lieu à un remboursement du trop-perçu aux demandeurs.

La perspective future d’un encadrement juridique de l’externalisation

La proposition de la Commission du 31 mai 2006

  • 32 . Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le système d’information (...)

70La proposition de la Commission d’un règlement du Parlement européen et du Conseil relative au Système d’information sur les visas (VIS) 32 qui prévoyait l’échange d’informations sur les identifiants biométriques (empreintes digitales et photographies) entre les Etats membres dans le cadre du VIS, impliquait de créer dans les ICC la base juridique nécessaire pour imposer et organiser la collecte de ces identifiants.

  • 33 . Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les Instructions consulair (...)

71A cette fin, la Commission a présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les ICC 33. Cette proposition introduit une obligation de capture d’identifiants biométriques pour toutes les premières demandes de visa ainsi que pour les demandes ultérieures présentées plus de 48 mois après la première demande. Par rapport aux pratiques actuelles, en particulier du point de vue du recours aux intermédiaires, ces nouvelles exigences auront pour effet d’imposer à un nombre beaucoup plus important de demandeurs de visa de se présenter personnellement aux consulats. Afin de préserver le bon fonctionnement des procédures visas et d’éviter des engorgements, la Commission a introduit dans sa proposition trois modalités organisationnelles auxquelles les consulats pourront recourir pour faire face aux conséquences de la biométrie : tout d’abord la représentation limitée (par laquelle un Etat membre représente un autre Etat membre aux seules fins de la réception des demandes de visa y compris la capture des identifiants biométriques), puis la mutualisation des ressources en personnel et matériel des consulats et, enfin, la coopération avec des prestataires de services extérieurs.

72Dans la proposition de la Commission, la coopération avec des prestataires extérieurs constitue une option de dernier recours. Deux grands types de coopération sont prévus. Dans le premier, le prestataire est un centre d’appel qui fournit des informations sur les procédures visa et organise les rendez-vous. Dans le second, le prestataire réceptionne en plus les demandes de visa et les pièces justificatives, assure la capture des identifiants biométriques et perçoit les frais de dossier.

73La proposition prévoit diverses obligations à la charge des Etats membres qui auront recours à des prestataires de services. Il leur appartiendra ainsi de s’assurer que le prestataire est capable de prendre toutes les mesures adéquates, sur le plan de l’organisation et de la technique, pour :

« protéger les données à caractère personnel contre les risques de destruction accidentelle ou illicite, ou bien de perte accidentelle, d’altération, de divulgation ou d’accès non autorisés, en particulier lorsque le traitement implique la transmission de données par un réseau et la transmission de dossiers et de données au poste consulaire ainsi que contre toute autre forme illicite de traitement. »

74La proposition exclut expressément que le prestataire ait accès au VIS, celui-ci étant réservé exclusivement au personnel des consulats. La proposition prévoit que, pour sélectionner le prestataire auquel ils auront recours, les consulats devront vérifier soigneusement leur solvabilité et leur fiabilité ainsi que s’assurer « de l’absence de conflits d’intérêt ».

  • 34 . Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protectio (...)

75Pour ce qui est des rapports juridiques entre les consulats et les prestataires de services, la proposition prévoit la conclusion d’un contrat conformément à l’article 17 de la directive 95/46 du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 34. Au-delà des obligations découlant de cette disposition, la proposition énumère une série de clauses qui doivent figurer dans les contrats à passer avec des prestataires. Leur objet est notamment de définir les responsabilités des prestataires, de leur imposer de « manipuler » les données uniquement aux fins du traitement des données personnelles contenues dans les demandes de visa pour le compte des Etats membres, de leur imposer les règles de confidentialité « y compris celles de protection des données recueillies en liaison avec les demandes de visa », de permettre aux consulats d’accéder à tout moment aux locaux du prestataire.

76La formation du personnel du prestataire est assurée par les consulats dans les domaines qui sont nécessaires à un service adéquat et à la communication d’informations suffisantes aux demandeurs de visa.

77La proposition prévoit que les consulats assurent le suivi de la mise en œuvre du contrat. Ce suivi porte notamment sur les informations fournies aux demandeurs de visa par les prestataires, sur les mesures prises dans le domaine de la protection des données personnelles et, enfin, sur le relevé des identifiants biométriques.

78La question de la rémunération du prestataire est traitée indirectement, par la disposition qui prévoit que « le montant total des frais facturés par le prestataire de services extérieurs pour le traitement des demandes de visa ne dépasse pas le montant fixé à l’annexe 12 [des ICC] ». Cette disposition traduit l’analyse selon laquelle le montant des frais de dossier fixé par les ICC doit couvrir l’intégralité des frais administratifs résultant des différentes tâches qui concourent au traitement des demandes de visa. Le régime proposé par la Commission exclut donc que les prestataires puissent facturer aux demandeurs de visa une commission en sus des frais de dossier.

Les réactions à la proposition de la Commission

Le Contrôleur européen de la protection des données

  • 35 . JO C 321 du 29 décembre 2006, p. 38.

79La Commission, conformément à l’article 28 paragraphe 2 du règlement (CE) n°45/2001 a soumis sa proposition au Contrôleur européen de la protection des données qui a rendu son avis le 27 octobre 2006 35. A la section 3 « Externalisation des demandes de visa », l’avis reconnaît le soin et l’attention que la Commission a apportés dans sa proposition à la protection des données. Cependant, l’avis souligne une série d’éléments factuels de nature à faire échec à une protection des données efficace : difficulté de vérifier les antécédents des employés du prestataire et de les sanctionner en cas de comportements fautifs, instabilité et changements politiques risquant d’empêcher le prestataire de remplir ses obligations. Le Contrôleur insiste par conséquent sur l’importance des clauses contractuelles pour le respect des règles de protection des données : elles devront prévoir des audits externes, des contrôles réguliers sur place, l’obligation de faire rapport, des mécanismes de mise en cause de la responsabilité du prestataire en cas de violation des règles de respect de la vie privée et une indemnisation des victimes d’un dommage.

  • 36 . Voir point 3 de l’avis : « Des événements récents concernant l’accès des autorités d’un pays tier (...)

80En dépit des règles contractuelles, le Contrôleur européen constate que les prestataires relèveront du droit interne du pays dans lequel ils sont établis et exprime son inquiétude en faisant allusion à l’affaire SWIFT 36. Le Contrôleur met en garde contre les risques que pourraient courir les demandeurs de visa dans des pays tiers caractérisés par un contrôle politique des opposants et dissidents car, dans un tel contexte, il est difficile de résister aux pressions des services gouvernementaux et répressifs.

  • 37 . Voir article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.

81Pour protéger efficacement les données des demandeurs de visas ainsi que des personnes invitantes, le Contrôleur déconseille les modalités organisationnelles de l’externalisation du traitement des demandes de visa telles que prévues par la proposition de la Commission et suggère que le prestataire opère dans des locaux protégés par le statut diplomatique 37. Le Contrôleur n’a pas d’objection pour ce qui est de l’externalisation à un centre d’appel de l’activité de fourniture d’informations.

Le Groupe de travail sur la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel

  • 38 . http://ec.europa.eu/justice_home/fsj/privacy/workinggroup/index_fr.htm

82Cet organisme institué en vertu de la directive 95/46/CE, dénommé en abrégé « Groupe de travail article 29 », a rendu son avis le 1er mars 2007 38. Il partage le point de vue du Contrôleur européen qui déconseille l’externalisation auprès de prestataires extérieurs et établit des options acceptables limitées. Le Groupe de travail article 29 souligne que l’externalisation doit être une option à envisager en dernier lieu et que pour réduire les risques, elle doit être placée sous la protection du statut diplomatique et sous l’entière responsabilité d’un Etat membre. Le Groupe de travail article 29 estime en particulier nécessaire de préciser l’entité qui agit en tant que contrôleur ainsi que les contraintes qui peuvent être imposées aux prestataires, de s’assurer qu’aucune donnée collectée ne soit copiée, téléchargée, stockée ou conservée d’une autre manière par le prestataire. Le Groupe de travail article 29 recommande enfin de compléter la proposition de modification des ICC par des dispositions relatives aux droits dont les demandeurs peuvent se prévaloir vis-à-vis des prestataires et aux informations que les prestataires et consulats doivent fournir aux demandeurs de visa.

Le Parlement européen

  • 39 . Voir document PE390.625v03-00.
  • 40 . Voir supra, les parties « Le contrôleur européen de la protection des données » et « Le Groupe de (...)
  • 41 . Voir le document PE388.360v01-00.
  • 42 . Il faut rappeler que les frais de dossier avaient été portés de 35 € à 60 € par la décision (CE) (...)

83Il sera appelé à jouer un rôle déterminant puisque le règlement sera arrêté selon la procédure de codécision. Le vote intervenu le 20 novembre 2007 en Commission des libertés publiques sur le rapport de Mme Ludford 39 fournit une première indication de l’orientation du Parlement européen. Sur le recours à l’externalisation, le principe d’une option de dernier recours est confirmé. S’agissant des questions relatives à la protection des données, ce vote montre que le Parlement européen est sur la même ligne que le Contrôleur européen de la protection des données et le Groupe de travail article 29 40, en ce sens qu’il estime que des garanties sérieuses s’imposent et que l’activité du prestataire doit s’exercer dans des locaux sous protection diplomatique. Pour la rémunération des prestataires, le rapport Ludford soutient l’approche de la Commission selon laquelle le montant facturé par le prestataire au demandeur de visa ne doit pas dépasser le montant des frais de dossier fixé par l’annexe 12 des ICC. Dans ce contexte, il convient de noter que M. Lax, rapporteur pour la proposition de code des visas, est favorable dans son projet de rapport 41 au rétablissement du tarif antérieur de 35 € pour les frais de dossier 42.

84Le développement du recours à l’externalisation par un nombre croissant d’ambassades et consulats des Etats membres s’inscrit dans un contexte de tensions budgétaires et d’une tendance lourde à une augmentation de la demande de visas. L’externalisation est une forme de privatisation à laquelle les Etats Schengen sont en principe libres de recourir, puisque chacun d’entre eux est maître de l’organisation de ses propres services administratifs. Toutefois, la délivrance des visas Schengen s’insère dans le cadre d’une politique commune. Cette circonstance impose que soit fixé dans le droit communautaire un cadre juridique à l’externalisation et d’en préciser les modalités.

85Ces considérations ont conduit la Commission à présenter en juin 2006 une proposition de modification des ICC. Cette proposition organise le recours à l’externalisation en l’assortissant de garanties du point de vue de la protection des données, en assurant la transparence nécessaire et en introduisant pour les frais de dossier, lorsqu’il y a recours à l’externalisation, une sorte de péréquation qui évite de pénaliser les demandeurs de visa. Près d’un an et demi plus tard, les discussions se poursuivent toujours au Conseil et au Parlement européen.

86Entre-temps, l’externalisation continue à progresser à un rythme accéléré, ce qui risque de créer des faits accomplis sur lesquels il sera difficile de revenir.

  • 43 . Décision n°574/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 portant création du Fon (...)
  • 44 . Décision de la Commission du 27 août 2007 mettant en œuvre la décision n°574/2007 du Parlement eu (...)

87La logique financière a conduit les Etats membres dans une fuite en avant consistant à sous-traiter à des opérateurs extérieurs certaines tâches dans le domaine des visas. Il conviendrait maintenant, et de toute urgence, d’envisager les solutions permettant d’assurer l’adéquation des moyens financiers aux choix politiques que sont l’imposition de l’obligation de visa aux ressortissants de plus de cent trente pays tiers et l’introduction de la capture des données biométriques des demandeurs de visa. Les possibilités nouvelles ouvertes par le Fonds pour les frontières extérieures 43 doivent être examinées avec attention. Dans sa décision du 27 août 2007 44, la Commission a fixé, dans le domaine des visas, deux priorités permettant d’affecter des ressources communautaires d’une part à diverses formes de coopération consulaire et de mutualisation des moyens des consulats et, d’autre part, à la mise en place des investissements informatiques liés au SIS et au VIS. L’affectation de financements communautaires à la politique des visas devrait inciter les Etats membres qui ont privilégié jusqu’ici une approche individualiste à reconsidérer leur position.

Annexe 1 / Répartition de l’activité de VFS par Etats Schengen clients *

Annexe 1 / Répartition de l’activité de VFS par Etats Schengen clients *

Source : site Internet www.vfs.global.com (situation au 15 novembre 2007).

** Source : document du Conseil 10700/07 du 12 juin 2007, Exchange of statistical information on uniform visas issued by Member States diplomatic missions and consular posts.

Annexe 2 / Exemptions de frais de dossier pour le traitement de certaines catégories de demandes de visas prévues par le droit communautaire (décision 2006/440 et directive 2004/38)

Annexe 2 / Exemptions de frais de dossier pour le traitement de certaines catégories de demandes de visas prévues par le droit communautaire (décision 2006/440 et directive 2004/38)
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Notes

Légende :

Qualité de l'information figurant au sujet de ces exemptions sur les sites Internet des prestataires extérieurs (échantillon) *

X : information donnée sur l'exemption de frais de dossier pour la catégorie concernée.

O : aucune information donnée sur l'exemption de frais de dossier  pour la catégorie concernée.

Les Etats Schengen pour lesquels VFS intervient sont indiqués par : AT (Autriche), BE (Belgique), DE (Allemagne), ES (Espagne), FR (France), GR (Grèce), IT (Italie), NL (Pays-Bas), SE (Suède).

* Informations fournies sur les sites Internet au 15 novembre 2007.

1 . Dernière édition publiée au JO C 326 du 22 décembre 2005.

2 . L’expression « Etats Schengen » correspond aux Etats Schengen à la date de clôture de l’étude (25 novembre 2007) : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède.

3 . Voir les sites www.espvac-ua.com et www.contactcentre-de-ua.com

4 . Voir par exemple les consulats allemands, qui mettent à disposition des traductions en diverses langues sur leurs sites propres ou par un lien avec le ministère des Affaires étrangères (www.auswaertiges-amt.de).

5 . Voir l’annexe n°2

6 . www.netherlands-embassy.com.ua

7 . Voir le décret n°2004-1266 du 26 novembre 2004 publié au JORF n°275 du 26 novembre 2004, p. 20089.

8 . Voir à titre d’exemple l’information donnée sur le site www.fransizvizesi.com du prestataire Istanbul Vize Hizmetleri ve Organizasyon Ltd. à Istanbul : « [...] que notre société, Ýstanbul Vize Hizmetleri ve Organizasyonu Ltd Þti, a été retenue comme partenaire agréé pour assurer votre information, votre accueil, et l’aide à la constitution de vos dossiers de demande de visa pour le compte du Consulat général de France à Istanbul, lequel, bien entendu, demeure seul habilité à instruire vos dossiers et à décider d’octroyer ou non le visa sollicité ».

9 . www.ukvisas.gov.uk/servlet/Front?pagename=OpenMarket/Xcelerate/ShowPage&c=Page&cid=1006977150106&a=KArticle&aid=1171455432137

10 . Toutefois, le site du ministère français des Affaires étrangères (www.diplomatie.gouv.fr) signale sur la page d’accueil de la rubrique « Entrer en France » qu’il a été décidé de confier des tâches matérielles à des prestataires extérieurs et précise les villes concernées par cette démarche.

11 . www.vfsglobal.com

12 . Voir annexe I.

13 . Voir le document du Conseil 10700/07 du 12 juin 2007 « Exchange of statistical information on uniform visas issued by Member States’ diplomatic missions and consular posts » qui contient les statistiques visas pour l’année 2006. Ce document est disponible sur le site du Conseil (www.consilium.europa.eu) à la rubrique « Recherche dans le registre ».

14 . Documents du Conseil sur les missions ciblées en matière de coopération consulaire locale n°15289/04 du 26 novembre 2004 concernant New Delhi et n°15086/05 du 29 novembre 2005 concernant Pékin.

15 . http://www.fransizvizesi.com/Content/FR/Schengen.aspx

16 . En ce qui concerne la France, le sénateur A. Gouteyron a présenté en juin 2007 le rapport d’information n° 353, intitulé Trouver une issue au casse-tête des visas. Ce rapport, fait au nom de la Commission des finances et du contrôle budgétaire, indique qu’» en 2006 le taux d’autofinancement de l’instruction des visas était de 89,3 % » et que « l’instruction des demandes de visa apparaîtrait entièrement autofinancée en 2007 […] ».

17 . Voir Barthélémy J., Stratégies d’externalisation, Paris, Dunod, 2007 pp. 63-64. L’auteur mentionne notamment les déboires de la Communauté urbaine de Montréal qui avait sous-traité la totalité de son activité informatique.

18 . Voir Le Monde du 17 mai 2007, qui rend compte de cas de corruption du personnel local du consulat de France à Moscou et de la décision prise ultérieurement d’externaliser une partie des tâches visas, parmi lesquelles la prise de rendez-vous, à partir du 1er juin 2007.

19 . Voir les articles à ce sujet sur : www.computerworlduk.com/management/government-law/public-sector/news/index.cfm, www.theregister.co.uk/2007/08/11/uk_visa_site_investigation/, www.heise-security.co.uk/news/94285

20 . Disponible sur le site : www.theregister.co.uk

21 . Voir le communiqué de presse du 13 novembre 2007 sur le site d’UKvisas.

22 . Voir le 27e rapport d’activité 2006 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, La Documentation française, 2007, p. 74 : la CNIL a mis en place un groupe de travail pour se pencher sur la problématique de la délocalisation de centres d’appel et de façon plus générale sur l’externalisation informatique.

23 . Voir point VII.I. des ICC.

24 . Voir infra, « Les domaines de l’activité visas couverts par l’externalisation ».

25 . JO L 229 du 29 juin 2004 p. 35.

26 . La Commission a engagé courant octobre 2007 une procédure d’infraction à l’égard de six Etats membres.

27 . Voir supra la partie sur « Les domaines de l’activité visa couverts par l’externalisation ».

28 . Article 6 de l’accord de facilitation en matière de visas CE/Russie, entré en vigueur le 1er juin 2007, JO L 129 du 17 mai 2007, p. 27.

29 . Disponible sur le site d’UKvisas.

30 . Ibid.

31 . Voir annexe 2.

32 . Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le système d’information sur les visas (VIS) et l’échange de données entre les Etats membres sur les visas de court séjour, COM(2004)835 du 28 décembre 2004.

33 . Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les Instructions consulaires communes adressées aux représentations diplomatiques de carrière, en liaison avec l’introduction d’éléments d’identification biométriques et de dispositions relatives à l’organisation de la réception et du traitement des demandes de visa, COM(2006)269 final du 31 mai 2006.

34 . Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO L 281 du 23 novembre 1995, p. 31.

35 . JO C 321 du 29 décembre 2006, p. 38.

36 . Voir point 3 de l’avis : « Des événements récents concernant l’accès des autorités d’un pays tiers aux données financières traitées par une société de l’UE montrent que ce risque est loin d’être théorique ».

37 . Voir article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.

38 . http://ec.europa.eu/justice_home/fsj/privacy/workinggroup/index_fr.htm

39 . Voir document PE390.625v03-00.

40 . Voir supra, les parties « Le contrôleur européen de la protection des données » et « Le Groupe de travail sur la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel ».

41 . Voir le document PE388.360v01-00.

42 . Il faut rappeler que les frais de dossier avaient été portés de 35 € à 60 € par la décision (CE) 2006/440 prise par le Conseil, sur initiative de la France, en tant que mesure d’exécution fondée sur le règlement (CE) n°789/2001. Conformément à la procédure applicable dans ce cadre, le Parlement n’avait pas été consulté.

43 . Décision n°574/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 portant création du Fonds pour les frontières extérieures pour la période 2007-2013 dans le cadre du programme général « Solidarité et gestion des flux migratoires », JO L 144 du 6 juin 2007, p. 22.

44 . Décision de la Commission du 27 août 2007 mettant en œuvre la décision n°574/2007 du Parlement européen et du Conseil relative à l’adoption d’orientations stratégiques pour la période 2007-2013, JO L 233 du 5 septembre 2007, p. 3.

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Table des illustrations

Titre Annexe 1 / Répartition de l’activité de VFS par Etats Schengen clients *
Légende Source : site Internet www.vfs.global.com (situation au 15 novembre 2007).
URL http://journals.openedition.org/conflits/docannexe/image/5793/img-1.png
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Titre Annexe 2 / Exemptions de frais de dossier pour le traitement de certaines catégories de demandes de visas prévues par le droit communautaire (décision 2006/440 et directive 2004/38)
URL http://journals.openedition.org/conflits/docannexe/image/5793/img-2.png
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Pour citer cet article

Référence papier

Gérard Beaudu, « L’externalisation dans le domaine des visas Schengen »Cultures & Conflits, 68 | 2007, 85-109.

Référence électronique

Gérard Beaudu, « L’externalisation dans le domaine des visas Schengen »Cultures & Conflits [En ligne], 68 | hiver 2007, mis en ligne le 19 mai 2008, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/conflits/5793 ; DOI : https://doi.org/10.4000/conflits.5793

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Auteur

Gérard Beaudu

Gérard Beaudu est fonctionnaire à la Commission européenne, Direction générale Justice, liberté et sécurité. L’auteur s’exprime dans cet article en son nom personnel.

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