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Regards sur l'entre deux

Trelew – Voix croisées. Argentine, 1972

Antonia GARCIA CASTRO
p. 139-164

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Géographique :

Amérique du Sud, Argentine
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Texte intégral

1Le 15 août 1972, à 18 h 24, commence une opération menée par trois organisations politiques dans la prison de la ville de Rawson. Située à 1 500 kilomètres de Buenos Aires, en Patagonie, cette prison dite de haute sécurité est réputée inviolable en raison de son isolement géographique. On dénombre alors environ deux cents prisonniers politiques à Rawson. Cent dix prévoient de s’évader.

2En amont : un complice (gardien de la prison) a fourni des armes. En aval : des véhicules feront irruption dans la prison pour conduire les évadés jusqu’à l’aéroport de Trelew, ville voisine située à 17 kilomètres, et un avion sera détourné avec l’aide de trois autres complices (militants, dissimulés parmi les passagers). Le jour J à l’heure dite, les prisonniers vont quitter leurs cellules, prendre le contrôle de la prison, donner le signal aux véhicules et se diriger vers l’une des sorties pour attendre qu’on vienne les chercher. L’opération est pensée, organisée et menée de l’intérieur de la prison.

3Le 15 août 1972, à 19 h 10, six évadés de la prison de haute sécurité de la ville de Rawson prennent possession d’un avion de la compagnie argentine Austral et le détournent en direction de Puerto Montt (Chili). A la même heure, dix-neuf autres rejoignent l’aéroport de Trelew : trop tard néanmoins pour embarquer dans cet avion ; ils occupent manu militari l’aéroport. A Rawson, environ quatre-vingt prisonniers maintiennent le contrôle de la prison.

4L’occupation de l’aéroport débouche sur une reddition sous conditions. Cela est décidé quelques heures plus tard et annoncé, lors d’une conférence de presse, par trois représentants des organisations impliquées. Parmi les exigences : un engagement ferme quant au respect de l’intégrité physique des dix-neuf évadés et leur réincorporation à la prison de Rawson ; la présence d’un médecin et d’un juge. On s’engage. Juge et médecin se présentent sur les lieux. Les évadés se rendent. On les fait attendre. L’état d’urgence est déclaré. Les prisonniers sont conduits, non pas à Rawson, mais à la base navale Almirante Zar. A Trelew.

5Le 22 août 1972, aux alentours de 3 h 30, les dix-neuf prisonniers sont fusillés.

I

6Quelqu’un a écrit : « On pourrait en parler pendant des heures, de cette histoire. »

7Parmi les dix-neuf fusillés à Trelew, seize seront achevés et trois auront la vie sauve. Ceux-là sont soignés puis conduits à Buenos Aires et enfermés dans la prison de Villa Devoto.

8Ces faits sont connus. Il y a dans cette histoire un certain nombre de certitudes, appuyées sur des témoignages divers que d’aucuns ont patiemment réunis – on y reviendra. On sait, par exemple, qu’il y a eu une erreur humaine. Le signal donné aux véhicules a été mal interprété : les camions se disposant à entrer dans la prison ont fait demi-tour. Mais il y avait aussi une voiture : son conducteur n’a tenu compte d’aucun signal ; la voie étant libre, il a pénétré dans l’enceinte et c’est dans cette voiture que les six premiers évadés ont rejoint l’aéroport. Quelqu’un a alors appelé des taxis pour assurer l’évasion des dix-neuf autres. C’est en taxi qu’ils ont rejoint l’aéroport (trop tard donc, car l’un des véhicules avançait lentement et les deux autres ont attendu). Considérant un certain nombre de failles possibles, ces groupes avaient été prédéterminés en fonction de la place de chacun dans les hiérarchies de leurs mouvements politiques respectifs : six, dix-neuf. Les autres prisonniers « libérés », « coincés » dans la prison, ont exigé la présence d’un juge avant de déposer les armes. Ce qu’ils ont obtenu. Comme les trois rescapés de Trelew, « ils ont eu la vie sauve ».

9Mais il n’y a rien de définitif dans cette phrase. Trelew prend place au cœur d’une histoire argentine. Jusqu’à quand faudrait-il la remonter pour en saisir la complexité ? Au moins jusqu’en 1945, probablement. Car l’avènement de Perón au pouvoir, ses deux premiers mandats présidentiels (1946 et 1952), son renversement (1955) et la proscription du mouvement péroniste composé de multiples organisations (1955-1973) jouent un rôle central dans la structuration des alliances et des oppositions politiques : l’émergence de la guérilla est étroitement liée à la proscription du péronisme et aux tentatives de réorganisation clandestine menées à partir de 1956. Même vue sous cet angle, cette histoire ne saurait être exclusivement argentine : la révolution cubaine, l’expérience du Che en Bolivie, la guerre du Vietnam, celle d’Algérie, la diffusion de la doctrine de la sécurité nationale, entre autres, déterminent aussi le jeu politique et les prises de position des acteurs.

10Parmi ces acteurs, les trois organisations politiques impliquées dans les faits de Trelew : l’ERP (Ejército revolucionario del pueblo), les FAR (Fuerzas armadas revolucionarias) et Montoneros. Toutes trois émergent dans la seconde moitié des années 1960 : la première se définit comme marxiste, elle est étroitement liée à un parti politique, le PRT (Partido Revolucionario de los Trabajadores) ; la deuxième n’est liée à aucune organisation préalable et se donne d’abord pour but le soutien à la guérilla du Che en Bolivie. Non issus du péronisme, ses militants revendiquent l’importance historique du mouvement et vont progressivement développer une stratégie de rapprochement avant de rejoindre les files de la troisième organisation : Montoneros, organisation péroniste.

11Jusqu’où pourrait-on s’aventurer « au-delà » dans la chronologie pour saisir les enjeux de la lutte livrée autour de Trelew, sans tomber dans l’illusion rétrospective ?

12Au moment des faits, le pays est gouverné par une junte militaire dont le chef est le général Lanusse (1971-1973). Depuis de longues années, J.D. Perón est persona non grata en Argentine et vit à Madrid. Son retour est une exigence forte du mouvement péroniste – notamment de Montoneros. La tenue d’élections démocratiques est une autre exigence amplement partagée au sein du monde politique argentin. Tout cela est objet de discussions en 1972. Quelques mois après les exécutions du 22 août, des élections ont effectivement lieu. Le candidat sortant a passé un accord et il est élu avec les votes du péronisme proscrit. Ces élections de mars 1973 rendent possible le retour de Perón, la tenue de nouvelles élections et un troisième mandat de courte durée (Perón meurt en 1974). Dès mars 1973, les prisonniers politiques bénéficient d’une amnistie et sont libérés. Au cours des mois suivants, et plus encore après la mort de Perón, les diverses organisations guérilleras commencent à être la cible systématique de groupes parapoliciers et paramilitaires dont la triple A (Alliance anticommuniste argentine). La guérilla argentine est déjà fortement affaiblie lors du coup d’Etat du 24 mars 1976. Bien des rescapés de Rawson seront assassinés sous cette dictature gouvernée par quatre juntes successives jusqu’en 1983. C’est notamment le cas des trois survivants de Trelew : María Antonia Berger (FAR), Alberto Miguel Camps (FAR) et Ricardo René Haidar (Montoneros).

13Tués à Trelew le 22 août 1972

14ASTUDILLO Carlos Heriberto (FAR), 28 ans, étudiant

15BONET Ruben Pedro (ERP), 30 ans, ouvrier

16CAPELLO Eduardo Adolfo (ERP), 24 ans, étudiant

17DELFINO Mario Emilio (ERP), 29 ans, ouvrier

18DEL REY Alberto Carlos (ERP), 23 ans, étudiant

19KOHON Alfredo Elias (ERP), 27 ans, étudiant

20LEA PLACE Clarisa Rosa (ERP), 24 ans, étudiante

21LESGART Susana Graciela (Montoneros), 22 ans, institutrice

22MENA José Ricardo (ERP), 21 ans, ouvrier

23POLTI Miguel Angel (ERP), 21 ans, étudiant

24PUJADAS Mariano (Montoneros), 24 ans, étudiant

25SABELLI María Angélica (FAR), 23 ans, étudiante

26VILLARREAL Ana María (ERP), 36 ans, professeur d’art

27SUAREZ Humberto Segundo (ERP), 25 ans, ouvrier

28TOSCHI Humberto Adrian (ERP), 25 ans, étudiant

29ULLA Jorge Alejandro (ERP), 27 ans, instituteur, ouvrier

30Rescapés de Trelew, actuellement portés disparus

31BERGER María Antonia (FAR), 30 ans, sociologue

32CAMPS Alberto (FAR), 24 ans, étudiant

33HAIDAR Ricardo René (Montonero), 28 ans, ingénieur chimiste

34Les fugitifs

35Domingo Menna, Enrique Gorriarán Merlo, Marcos Osatinsky, Roberto Quieto, Mario Roberto Santucho et Fernando Vaca Narvaja sont les six évadés. Ils rejoignent le Chili en compagnie de Carlos Goldemberg (chauffeur du véhicule par lequel l’évasion de Rawson est possible), Alejandro Ferreira, Victor Fernández Palmeiro et Ana Wiesen (déjà présents dans l’avion).

36Outre ce que l’on sait – les faits avérés – il y a ce qu’une étude approfondie permettrait de mettre en lumière. L’attente forcée des prisonniers à l’aéroport, par exemple : le bras de fer entre autorités militaires et judiciaires jusqu’à ce que l’état d’urgence soit déclaré, l’impuissance du judiciaire ce jour-là et tous les autres jours, jusqu’aux exécutions. Un certain nombre de questions demeurent ouvertes. Des officiers de la marine ont tué. Ils ont tiré dans le tas (n’oublions pas néanmoins que trois prisonniers « ont eu la vie sauve ») : avec ou contre l’armée de terre ? S’agissait-il d’une tentative pour déstabiliser le gouvernement du général Lanusse ? A-t-on assisté à un règlement de compte par prisonniers interposés ? Ou bien l’ordre venait-il d’en haut ? Du chef de gouvernement en personne ? Pourquoi ? Pour marquer le retour à l’ordre ? Pour restituer l’autorité doublement bafouée ? Car à l’affront de l’évasion elle-même s’ajoute l’attitude du gouvernement chilien. Celui-ci est impliqué dans les faits dès lors que l’avion détourné atterrit effectivement au Chili : d’abord à Puerto Montt, puis à Santiago. Durant plusieurs jours, la négociation sera ardue : les Argentins arguent d’un traité d’extradition signé en 1933, les Chiliens du droit d’asile et de la clause d’exception contenue dans le même traité de 1933. « L’extradition ne vaut pas lorsque les délits imputés sont politiques », soutient Salvador Allende dans une allocution prononcée le 25 août 1972 ; et il ajoute : « L’Etat auquel on demande l’extradition est libre de juger du caractère exceptionnel en la matière. » Pas d’extradition pour les dix fugitifs argentins. On leur accorde le statut de réfugiés politiques avant de les autoriser à rejoindre Cuba sur leur demande. Tandis que cette négociation a lieu, les autorités militaires « parlent » : elles ne cessent pas de parler. En quelques jours, il y aura quatre versions officielles à propos des exécutions à Trelew : elles se contredisent mais invoquent toutes le délit de fuite. On n’a pas vu Trelew mais on imagine. Quiconque aura vent de l’affaire saura ce qui arrive aux insoumis. On constate. On se dit que cela rappelle autre chose. Jusqu’à quel point ces événements préfigurent-ils les pratiques coercitives appliquées en Argentine, de manière sélective et systématique, après le coup d’Etat du 24 mars 1976 ?

37Il y a ce que des plumes expérimentées pourraient écrire et aussi ce que certains ont déjà écrit. L’ouvrage de Liliana Cheren, par exemple : La Masacre de Trelew. 22 de agosto de 1972. Institucionalización del Terrorismo de Estado, Buenos Aires, Corregidor, 1997.

38Agustin Tosco : « La communication en zigzag »

39Dirigeant syndical. Prisonnier à Rawson en août 1972. D’emblée, Tosco décide de ne pas s’évader mais participe activement au projet. Libéré par la suite, il meurt de maladie en novembre 1975, dans la clandestinité. Ci-dessous figurent des extraits d’une de ses déclarations, donnée au journal El Mundo lors du premier anniversaire des exécutions de Trelew (cité par Liliana Cheren, op. cit, pp. 195-197).

« Depuis le 15 août, jour de l’évasion, nous vivions dans un climat de grande anxiété. Nous n’occupions plus les pavillons d’avant et étions désormais rigoureusement isolés dans des cellules individuelles. La porte de chaque cellule était solide et avait quelques trous d’un centimètre de diamètre pour permettre aux gardiens de nous observer et de nous contrôler en permanence. Il y avait une sorte de petite fenêtre avec des barreaux au-dessus de la porte. Cela nous permettait de regarder directement quelques camarades, situés dans les cinq ou six cellules d’en face ; pour cela, il fallait grimper sur le rebord du lit et adopter une position pour le moins inconfortable. Mais on le faisait avec enthousiasme parce que cela nous permettait de communiquer d’une certaine manière, de nous poser les questions que la situation d’isolement provoquait et de diffuser nos opinions grâce au langage muet de la main – on était devenu des experts. Etant donné les quarante-cinq mètres de longueur du pavillon et les deux séries de vingt et une cellules, de chaque côté d’un couloir central, la diffusion se faisait en zigzag cellule par cellule. Notre principal souci, c’était le sort des camarades qui s’étaient enfuis.

Avant midi, le 22 août, quelques camarades ont commencé à diffuser par le langage muet l’information selon laquelle trois prisonniers enfermés dans la base navale de Trelew avaient été assassinés […]. A mesure que les informations précaires arrivaient, le nombre de morts augmentait. On disait que Pujadas avait essayé de s’approprier l’arme du gardien, que les tirs s’étaient généralisés et que tous étaient morts.

Le soir, il y a eu un hommage simultané dans les six pavillons occupés par les prisonniers politiques et sociaux. Spontanément, chacun racontait des aspects de la vie, des convictions, de la personnalité de chaque tué.

Puis, à gorge déployée, on les a appelés, chacun par son nom ».

40Cet ouvrage rassemble des témoignages et des documents officiels, parmi lesquels les lettres échangées par les gouvernements argentin et chilien, mentionnées plus haut. Outre ce travail – sur lequel prend appui ce dossier – il y a eu quelques tentatives de raconter Trelew en images : raconter plus que montrer. Il existe ainsi un documentaire récent (Trelew, Argentine, 2002). Mariana Arruti, sa réalisatrice, semble dire qu’il n’y a plus grand-chose à voir à Trelew, dans tous ses « alentours », mais qu’il est néanmoins permis de s’arrêter : sur des paysages dépeuplés, sur les visages d’un certain nombre de témoins. Le documentaire reproduit également des extraits de la conférence de presse convoquée le 15 août 1972 à l’aéroport de Trelew. Il s’agit d’une des rares images d’archives de l’époque : grâce à cet enregistrement, on aperçoit les dix-neuf et l’on entend clairement les revendications exprimées par Mariano Pujadas, María Antonia Berger et Ruben Pedro Bonet. Puis, il y a la main. Image actuelle, celle-ci. La main d’un des évadés, munie d’un crayon pour recréer le plan de la prison alors que la voix raconte comment « les politiques » ont pris possession de la prison. Pas de narrateur extérieur aux faits. Les voix convoquées sont bien les leurs. Celles des gens de Trelew. Habitants, gardiens de prison, chauffeurs de taxi, prisonniers.

41Quelqu’un a écrit : « On pourrait en parler pendant des heures, de cette histoire. » Celui-là est poète : Juan Gelman. Un compositeur a mis ces vers en musique et les a chantés : Juan Cedrón. Un autre poète, journaliste de métier – et ami des deux autres – a entrepris d’interviewer les trois survivants des exécutions de Trelew. Son nom est Francisco Urondo. L’entretien a eu lieu dans la prison de Villa Devoto (Buenos Aires), le 24 mai 1973 (après les élections du 11 mars 1973, la veille de l’amnistie). La chose était faisable dans ce contexte d’« ouverture », d’autant plus que le poète-journaliste-militant des FAR était lui-même prisonnier à Devoto au moment de l’entretien1.

42La deuxième partie de ce dossier se nourrit de ces paroles, dites avant d’être écrites, puis référencées comme suit : Francisco Urondo, Trelew. La Patria fusilada, Buenos Aires, editorial contrapunto, (1re édition 1973), 1988. Tous les extraits du dialogue entre Berger, Camps, Haidar et Urondo sont issus de cet ouvrage2 (pages indiquées dans le corpus). La troisième partie est consacrée à l’œuvre Du Chant du Coq. Cantate (Cuarteto Cedrón, 1972) contemporaine des faits de Trelew. Cette partie comprend des extraits des chansons et un entretien avec Juan Cedrón, réalisé le 4 septembre 2005 à Buenos Aires.

43Ces voix diverses sont une caractéristique de l’époque, au même titre que la violence exercée par les agents d’un gouvernement non élu et la riposte d’une jeunesse plurielle, prônant la lutte armée et l’avènement d’autres modèles de société.

44Ces voix croisées nous renvoient à une certaine manière de penser et de mettre en action les résistances : dialogues, actions communes, volontés communes engageant militants, étudiants, ouvriers, instituteurs, musiciens, chanteurs, poètes, journalistes… avec ou sans traits d’union.

II

45Berger. — L’opération a été pensée comme une opération de plus. On voyait bien que c’était une opération d’envergure. Nous nous sommes mêmes demandés si elle n’allait pas provoquer une sorte de catastrophe au sein du pouvoir militaire […] parce qu’on frappait l’ennemi là où il se croyait particulièrement fort.

46Urondo. — Les gens se rendaient compte que cela pouvait produire un changement de garde (comme on disait à l’époque), une redistribution des rôles au sein de l’exécutif. A l’extérieur, certains avaient eu vent de l’opération et pensaient que l’arrivée au Chili de toute la bande pouvait produire la chute d’Allende. Cela me semble exagéré, même s’il était clair que Chicho3 allait avoir des ennuis, c’était prévisible, et il en a eu, c’est évident. En somme, Rawson, c’était une opération d’une ampleur que, je crois, la guérilla n’a pas connue de ce côté-ci du monde, à cause du contexte politique dans lequel elle allait se produire, à cause de l’écho qu’elle allait avoir. Et aussi pour ce que cela voulait dire que de s’évader d’une zone géographique comme celle où se trouvait la prison.

47Berger. — C’est bien pour cela qu’ils nous avaient mis là, dans une zone aussi éloignée, pour qu’on ne puisse pas s’enfuir.

48Urondo. — Justement, en tant que mesure de sécurité, ce n’est pas anodin que la prison de Rawson soit entourée par un désert. [p. 30]

49Haidar. — Il y a eu dans les phases préalables plusieurs réunions entre les trois organisations. Nous n’avons pas encore dit quel a été le critère utilisé pour en venir à ce que ces trois organisations s’unissent. Ces trois organisations étaient les plus significatives, elles avaient aussi la plus grande capacité externe et l’effort externe était déterminant pour l’évasion. Peut-être que ça a été la seule opération conçue de manière unitaire par les trois organisations ; on peut encore dire aujourd’hui que c’est le seul type d’opérations pour lequel nous serons toujours unis, ensemble, concernant la planification, l’exécution et les résultats. Parce que c’est une opération dont la portée est nettement stratégique. Il s’agit d’apporter des combattants à la guerre. Le résultat de ce processus, c’est la grande coexistence, le grand rapprochement effectué ; non seulement lors de l’opération elle-même, mais aussi lors du travail parallèle : cours de formation politique, formation militaire, discussion entre les organisations politiques. Cette discussion a été profonde et on est parvenus à certains accords4. Des accords limités, certes, mais ils rendaient possible une action commune : l’évasion. […] Il y a eu de nombreux essais. On préparait le matériel. On faisait des simulacres dans les pavillons.

50Urondo. — On m’a dit que par la suite, après l’évasion, l’un des gardiens se plaignait avec amertume quand les camarades lui disaient « à demain » ; il se souvenait : « Ouais… le docteur Quieto5 aussi, le dernier jour, il m’a dit “à demain”. »

51Haidar. — Il y avait un autre gardien, il partait après le passage en revue, et nous, on traînait toujours un peu avant de regagner les cellules. Alors il venait et il disait : « Bon, allez, on y va car on s’en va. » C’est-à-dire qu’il fallait que nous, on rentre dans nos cellules, car lui devait s’en aller. Et nous pensions que, quand le moment serait venu, nous allions dire la même chose : « Allez, on y va car on s’en va ». Il est devenu célèbre ce « on y va car on s’en va » (vamos que nos vamos). [pp. 38-40]

52Berger. — Le jour J était connu par très peu de camarades. Beaucoup savaient que la fuite allait se produire. Peu savaient quand. Une fois l’information communiquée, on a décidé de la création d’un commando unifié, et le jour de la fuite, tous les liens organiques au sein des organisations devaient s’interrompre. On ne répondait plus que devant ce commando unifié […]. [p. 47]

53Camps. — Une fois la prison occupée, on fait le signal. Plusieurs véhicules devaient entrer dans la prison, quatre. Une camionnette, deux camions et une voiture. Mais seule une voiture entre et on nous dit que les autres voitures vont venir. On appelle quand même des taxis et on attend pendant un temps déterminé à cause de cette affirmation selon laquelle les véhicules allaient venir. Quand on voit que le temps passe, qu’il est tard, on décide du départ du groupe d’avant-garde […]. A 19 h 30, il y avait un changement de garde. Cela limitait le temps de l’attente. C’est alors qu’on décide du second départ dans trois véhicules. Pour cela, on a respecté une liste préétablie, la liste des priorités. Dix-neuf camarades montent dans les voitures […]. Le fait est que nous sommes arrivés et, je m’en souviens, nous avons entendu l’avion s’envoler.

54Berger. — Non seulement ça, on l’a vu, du moins je l’ai vu. [pp. 57-60]

55Haidar. — Lorsque nous sommes arrivés à l’aéroport, nous avons rejeté la possibilité d’essayer de prendre quand même cet avion. Nous avons également rejeté toute option de fuite car il n’y en avait pas. On ne pouvait profiter des voitures et tenter la fuite par voie terrestre, ç’aurait été une action suicidaire. Il y avait bien trop de kilomètres avant de parvenir à une zone sûre […]. Nous avons donc choisi de rester et nous avons appliqué le critère préalablement discuté, le même que l’on a utilisé dans la prison elle-même : nous barricader, négocier, faire connaître la nouvelle et négocier dans les meilleures conditions, avec pour objectif de garantir nos vies. […] [p. 62]

56Berger. — Beaucoup de journalistes sont venus, la télévision, la radio, ils ont collaboré et pris note de tout. A ce stade, nous avions élu un représentant de chaque organisation ; nous étions quelques uns seulement à négocier : Mariano Pujadas, Pedro Bonet et moi-même nous avons discuté avec le juge et avec le capitaine Sosa6.

57Urondo. — Ils étaient comment, ces dialogues ?

58Berger. — Avec le juge, ils étaient bons. On le connaissait de la prison […]. En revanche il était très difficile de discuter avec Sosa. D’un côté, il voulait nous traiter comme des soldats, nous donner des ordres, et comme nous étions très tranquilles et que nous mettions chaque chose à sa place et le traitions comme un égal, il ne savait plus où il en était. La discussion lui échappait un peu car nous, nous avions des propositions claires, fermes, et il n’avait pas beaucoup d’arguments à nous opposer, parce que son objectif, c’était de nous conduire à la base. Et nous, nous ne voulions pas aller à la base Almirante Zar, parce qu’on savait qu’on serait plus en sécurité dans la prison qu’aux mains de la marine, chose qui n’était pas erronée. Sosa savait aussi qu’il devait passer au-dessus de l’autorité du juge, une attitude bien propre aux militaires. Au début, il criait, et Mariano lui a dit : « Du calme, du calme, ici il n’est pas nécessaire de crier, parlons normalement. » Mariano a pris cela avec beaucoup de calme. Et moi, une femme, il me regardait un peu comme ça, parce que c’était un comble, une femme qui lutte, dans les schémas des militaires, c’est pire. Moi, bien sûr, je n’en tenais aucun compte. Le fait est qu’il n’avait pas beaucoup d’arguments pour nous emmener à la base et il a dû accepter de ne pas nous y emmener. Le juge lui a demandé quels étaient les inconvénients d’une réintégration à la prison et l’on en est resté, plus ou moins, au fait qu’on allait nous reconduire à la prison.

59Urondo. — Il accepte alors ces conditions ?

60Berger. — En principe, il accepte. Parce que le juge est là et il n’a pas le choix. C’est son autorité ou celle du juge. Ce qu’il y a, c’est que peu de temps après, on décrète l’état d’urgence et l’on passe sous le commandement du 5e corps de l’armée de terre. [pp. 65-67]

61Urondo. — Bien, après tout cela, vous en êtes venus aux conditions de reddition, et vous avez déposé les armes.

62Berger. — Quand nous sommes montés dans les bus, quelqu’un a dit un « vive Perón » […].

63Haidar. — Il y avait un climat de fête parce que même si l’opération avait échoué en partie…

64Berger. — Ce qui nous a encouragés, c’est d’apprendre en écoutant la radio que les camarades étaient arrivés à Puerto Montt. Là, on était heureux, c’est le mot. Nous pensions que, de ce fait, l’objectif de l’opération était atteint : au moins quelques camarades avaient réussi à s’en aller […].

65Haidar. — Cependant, nos propres perspectives n’étaient pas encore claires. Lorsqu’on est monté dans les bus, on nous a dit qu’on nous conduisait à la prison. Mais nous sommes montés dans les bus et l’on nous a laissés là environ quarante-cinq minutes tandis qu’ils discutaient…

66Berger. — Auparavant, on nous avait dit qu’on était sous le contrôle de l’armée. Le bus en question, c’était un bus de la marine. Un juge y est monté, ainsi que l’avocat Amaya qui était à l’aéroport. Ils étaient assis devant et nous avons dû attendre que les effectifs de la marine se regroupent […]. Il y a même eu un problème parce que dans une des voitures, ils ont trouvé des explosifs. Ils ont demandé notre collaboration pour les désactiver parce qu’ils pensaient que c’était des pièges […]. Donc on est resté assez longtemps dans ce bus. Peu avant de partir pour la base, Sosa monte et nous informe, il nous explique que nous ne sommes plus sous sa responsabilité et que nous sommes soumis aux décisions du 5e corps de l’armée de terre. Bien sûr, les décisions en question, la décision, c’était de nous conduire à la base. On fait descendre le juge et l’avocat et ils s’engagent à nous accompagner, chose qu’ils font, non dans le bus, mais en voiture ou dans une patrouille de la marine, je ne sais plus.

67Haidar. — On aurait dit qu’ils avaient fait exprès d’attendre tout ce temps pour qu’on dicte l’état d’urgence. Autrement, on ne s’explique pas qu’on nous ait gardé dans ce bus à rien faire. […] Dans le bus, nous parlions. Nous échangions des opinions sur le déroulement de la chose. Même si du point de vue des objectifs fixés, l’opération avait échoué, dès lors que notre objectif était de libérer cent dix camarades et qu’on en récupère six… eh bien… nous considérions quand même que l’opération était un succès. D’où le climat de fête. Mais il y avait cette ombre sur notre sort. Concrètement, ce qu’on considérait comme perspective immédiate, c’était la prison et la torture. Ils avaient des motifs pour nous torturer, que ce soit pour obtenir des informations ou pour pratiquer ce verdugueo7 dont ils ont l’habitude.

68Camps. — Oui, c’est déjà une pratique systématique de l’ennemi que de torturer le militant. Et non seulement le militant, mais n’importe quel détenu. Chez les militants, on observe les cas les plus aigus parce que, bien sûr, ils cherchent à briser moralement et à obtenir des informations. Ceci étant la conséquence de cela. La fracture morale signifie information pour l’ennemi. […] Même comme ça, pendant qu’on nous emmenait à la base, on vivait une victoire. Je pense que politiquement et militairement, on avait obtenu des succès importants : occuper la prison, occuper l’aéroport, détourner l’avion. Ce qu’on n’a pas réussi, c’est l’objectif maximal que l’on avait fixé, l’évasion de cent dix camarades. Mais tous les autres objectifs avaient été atteints. Y compris le fait de frapper fortement l’ennemi, dans le sens de démontrer la capacité militaire des organisations armées. D’où le climat de fête. […] Jusque-là, on ne nous avait pas interdit de parler. Bien, lorsque nous arrivons à la base, c’est le grand déploiement : à mesure que le bus avançait, des soldats de l’infanterie de la marine sortaient de partout. Le juge, comme il l’avait dit, nous a accompagnés.

69Urondo. — Qui était le juge ?

70Haidar. — Godoy. Le juge fédéral de Rawson.

71Camps. — Il nous a accompagnés jusqu’à l’entrée, jusqu’au couloir menant aux cellules. Là, il nous a dit au revoir. [pp. 70-73]

72Haidar. — Certains ont dit que le massacre de Trelew a été décidé par la marine et que Lanusse a dû l’assumer contre sa volonté. Je ne pense pas. La décision a été une décision concertée, unanime, avec un accord total. Ce ne fut pas un délire, l’acte d’un fou furieux de la marine, mais un fait concerté. [p. 97]

73Urondo. — A quelle heure on vous a fait sortir, ce jour-là ?

74Berger. — A 3 h 30. La situation s’était quelque peu détendue. On s’attendait à ce que le juge vienne le lendemain pour prendre nos déclarations et lever notre isolement. On se disait que dans deux ou trois jours, on allait nous renvoyer à Rawson. On nous fait sortir à 3 h 30 avec les matelas. A chaque fois qu’on nous réveillait, on nous prenait les couvertures et les matelas, de manière à ce qu’on ne puisse pas dormir en journée. Et cette nuit, chose bizarre, on nous fait sortir tous ensemble.

75Camps. — Si tu me permets, le procédé pour nous réveiller était toujours plus ou moins le même, ils passaient en donnant des coups de pied aux portes, en criant ou en frappant le sol, ou tout ça en même temps. Cette nuit, ils font pareil. L’élément nouveau, c’est les insultes à voix haute du type : « Vous allez voir ce que c’est que de jouer avec la marine. » Je le revois, Sosa, qui vient nous réveiller, du moins est-il venu jusqu’à ma cellule ; ensuite c’est Bravo qui est venu et a dit : « Vous allez voir maintenant ce que c’est que la terreur antiguérilla. » C’était un peu la « théorie », entre guillemets, de Bravo : « On combat la terreur par la terreur. » Il soutenait que nous étions des terroristes. C’est comme ça qu’ils nous ont réveillés. […]

76Berger. — On nous a intimé l’ordre de former un rang dans le couloir, en regardant par terre.

77Urondo. — Face au mur ?

78Berger. — Non, non, les uns derrière les autres.

79Camps. — L’ordre a été confus, du genre : « Sortez et formez un rang dans le couloir. » Certains se sont mis en rang et regardaient vers la sortie, d’autres non, Haidar regardait vers la cellule d’en face. […] Lorsque je sors, comme ma cellule était l’une des dernières, je suis aussi le dernier par rapport à la sortie, le dernier du rang de gauche, c’est-à-dire du rang où il y avait moins de camarades. Dans l’ordre : Susana Lesgart, Clarisa Lea Place, Alfredo Kohon, Haidar, Mario Delfino et moi. Je lève les yeux et je regarde tous les camarades en rang, la plupart regardaient devant eux. Je me souviens encore du pull-over blanc du Gaita, c’était toute la vision que j’avais.

80Haidar. — De Pujadas.

81Camps. — Oui, de Pujadas. On l’appelait le Gaita. Immédiatement après commencent les rafales. Pas de doute. Ils nous ont pris par surprise. On ne s’attendait pas à quelque chose de ce genre. [pp. 107-110]

82Berger. — […] Il te reste toujours un espoir et tu luttes avec cette marge. Je me souviens que j’ai pensé : « Mais si je meurs, je voudrais écrire, même si c’est sur le mur, les noms. Mettre : “Sosa, Bravo” ». Mais là je le fais, et avec le doigt, et avec le sang (je me souviens que je mouille mon doigt), je commence à écrire des choses sur le mur. Ils s’en rendent compte tout de suite et il y en un qui vient avec un petit pot et il efface.

83Urondo. — Qu’est-ce que tu avais écrit ?

84Berger. — L.O.M.J.E.

85Urondo. — Lomje ?

86Berger. — L.O.M.J.E. Libres ou morts, jamais esclaves. J’ai écrit aussi « papa, maman » et je ne sais quoi d’autre. Ils l’ont effacé et ensuite j’ai écrit de nouveau. Mais pendant que j’écrivais, ils m’ont vue et ils ont encore effacé.

87Urondo. — Et qu’avais-tu écrit cette fois-ci ?

88Berger. — La même chose. Têtue que je suis… [pp. 122-123]

89Camps. — Parfois quelqu’un s’approche et dit : « Tu peux me raconter ? Si cela ne te dérange pas. » Pour nous, raconter Trelew, c’est une obligation. Envers notre peuple, envers tous nos camarades qui y sont morts, qui ont apporté avec leur mort, avec leur lutte, à tout ce processus. Je me réjouis en constatant que les personnes que j’ai rencontrées après, quand on m’a amené ici, ne mettaient pas en doute le fait que ça ait été un massacre. Ils voulaient simplement connaître les faits. Qu’il s’agisse des prisonniers, des prisonniers de droit commun, même les gardiens, les médecins. Personne ne mettait en doute […].

90Haidar. — Je voudrais dire que nous, quand nous parlons, nous sommes un peu en train de raconter les expériences de tous, de ceux qui sont morts et de ceux qui ont vécu. C’est quelque chose de tout à fait impersonnel. S’il y a quelque chose que nous devons faire, si nous avons survécu pour quelque chose, c’est pour transmettre. Ce que les autres ne peuvent pas faire parce qu’ils sont morts. [p. 136]

Du chant du coq. Cantate

Paroles : Juan Gelman. Musique : Juan Cedrón

Cuarteto Cedrón, 1972

Extraits

I. bruits

ces pas ? le cherchent-ils ?

cette voiture ? s’arrête-t-elle devant sa porte ?

ces hommes dans la rue ? sont-ils aux aguets ?

la nuit les bruits sont innombrables

c’est parmi ces bruits que le jour se lève

car rien n’arrête le jour

rien n’arrête le chant du coq

rien n’arrête le soleil

II. changements

que ceux qui sont couverts de gloire

n’oublient jamais ce rendez-vous

des forts, des gueux, des grands, des fous

sur le bord du tombeau, un soir

oui, mais nous ne voulons pas seulement l’égalité dans la mort

nous la voulons en vie

nous voulons la justice en vie !

pourquoi était-il triste ce cheminot le matin

appuyé contre la grille de la gare ?

et pourquoi son regard se perdait-il, sans rien voir, de ce qui

l’entourait ?

pourquoi était-il aussi désespéré cet homme-là ?

pourquoi y a-t-il tant d’hommes et tant de femmes désespérés dans

[ce pays ?

pourquoi, à une certaine heure du jour un flot de désespoir vient-il

[submerger la ville ? […]8

III

91c&c. — Peux-tu me raconter les circonstances dans lesquelles a été faite la Cantate du Chant du Coq ?

92Cedrón9. — Tout de suite après Trelew. Juan (Gelman) a fait le poème. Il y en avait une série. Je ne saurais pas te dire s’il me les a tous donnés en même temps. Mais il y avait un ensemble de poèmes écrits à cette époque et un, spécifique, sur Trelew. Ils n’étaient pas encore publiés. J’ai voulu faire la Cantate. J’ai choisi les poèmes. Je leur ai donné un ordre et je les ai mis en musique.

93c&c. — D’un seul coup ?

94Cedrón. — D’un seul coup. En deux, trois, quatre, cinq jours. Comme toujours quand je compose, en jouant les morceaux de nombreuses fois, toute la journée pour en être pénétré. Les chansons de la Cantate, on pouvait les mettre côte à côte comme des petits tableaux. Je n’ai pas voulu les entrelacer d’office. C’est une option possible et parfois, elle est nécessaire. Mais dans ce cas, il m’a semblé qu’on pouvait juxtaposer les morceaux et les jouer sans attendre. Les arrangements, on les a faits à plusieurs, avec les autres membres du Cuarteto : César, Miguel et le flaco Sarraute. Les morceaux étaient très travaillés du point de vue du chant et de la structure harmonique et j’avais quelques idées sur les rythmes. On les a joués. On cherchait ensemble, on trouvait et je sélectionnais, « ça oui, ça non », et à force de répéter, on incorporait les arrangements, sans rien écrire, de tête […] Peu de temps après, en septembre, octobre 1972, nous sommes allés en Europe et on a enregistré la Cantate au studio Davout. C’était la première fois que j’enregistrais à Paris […]. L’enregistrement a eu lieu le matin. François Rabbath nous a accompagnés avec la contrebasse dans un des morceaux. C’était un grand ami et il a aimé la Cantate. Paco Ibañez a participé aussi. Il a aimé le matériel. Spontanément. Il n’y a pas eu de problème de nom ou quoi que ce soit… Paco apparaît comme artiste invité. Pas sur le devant du disque. On ne cherchait pas à vendre un nom. Jaime Torres10 était de passage à Paris et il est venu au studio. On a tout enregistré d’un trait. Je me souviens… Il y a eu quelques défauts. On ne se regardait pas. On chantait avec les yeux fermés et à un moment donné, moi et le flaco Sarraute, on donne des coups. Les yeux toujours fermés. Ces coups… ils sont sortis… mais pas ensemble… et on les a laissés tels quels. A vrai dire, on ne s’en est même pas rendu compte. Ensuite, avec le temps, vingt ans plus tard, des musiciens classiques et des professionnels français de la musique contemporaine nous demandaient comment on avait réussi à faire cela…

95Ce disque est sorti en France et nous sommes revenus à Buenos Aires. Là, nous avons joué la Cantate dans un théâtre du centre-ville, rue Esmeralda, ou Suipacha, je ne sais plus. Nous avons chanté la Cantate à la fin de l’année 1972. Le jour où nous avons joué, il y avait le pelao Ortega Peña, Duhalde, au premier rang11. Je me souviens du pelao, ensuite il a été tué… Il n’y avait pas beaucoup de gens.

96c&c — Tu te souviens des réactions ?

97Cedrón. — Tout était douloureux, triste, très dur. Ortega Peña était là. Il y avait d’autres camarades. Mais le but n’était pas de dénoncer. On présentait une création. C’était bien un concert et non une réunion de solidarité, chose peu fréquente à l’époque […] : la Cantate a été faite et jouée en marge des activités militantes des uns et des autres. J’ai été bouleversé. J’ai fait les morceaux. Sans réfléchir au pourquoi… Mais nous l’avons fait : dans l’urgence et sans atermoiement non plus pour savoir si oui ou non on prenait des risques. Je te parle de l’année 1972. Pas de 1973. Par ailleurs, je continuais à chanter publiquement Un hombre se calló la boca12, à dénoncer la dictature, ce que faisaient les militaires, j’allais jouer dans les bidonvilles et ailleurs, s’il s’agissait de mobiliser… En tant que citoyen. En tant que musicien citoyen. On ne pensait pas au danger. Or Trelew venait d’avoir lieu.

98c&c — Vous êtes allés à Trelew ?

99Cedrón. — Tout de suite après les exécutions. A Rawson. Justement, il y avait des bruits comme quoi on allait simuler une nouvelle fuite pour tuer d’autres gens. On a décidé de convoquer des artistes pour qu’ils fassent des concerts, pour mobiliser avec des chansons et faire en sorte que les journalistes viennent. Je m’occupais de l’invitation aux artistes. On voulait entrer à Rawson.

100c&c — Vous avez pu entrer ?

101Cedrón. — Non.

102c&c — Vous avez joué ?

103Cedrón. — Nous avons joué. A Trelew. La presse venait, on leur disait qu’on ne nous laissait pas entrer. Il y a eu des négociations. A la prison de Rawson, on nous a demandé de nous dénuder, on leur a dit oui mais, à la fin, ils n’ont pas voulu quand même. Il faisait froid. On logeait chez des camarades. Zito Lema13 était là. On a joué la Cantate dans une maison ou dans un petit club. Je me souviens que quand on a pris l’avion, le flaco Sarraute est arrivé en retard. L’avion était déjà en marche… et, soudain, Sarraute qui s’amène en bout de piste, en courant et poussant la contrebasse… et il est monté… il a grimpé, je ne sais comment, dans l’avion « en marche », comme si c’était un tramway […]…

104On a joué à Buenos Aires, en 1973, dans les cafés-concerts, dans les théâtres. Ensuite, on ne pouvait plus jouer. Nous sommes allés en Europe. Nous y sommes restés. Là-bas, nous avons joué la Cantate pendant plusieurs années.

105c&c — Tu as revu les survivants de Trelew ?

106Cedrón. — En Europe. Alberto a vécu chez moi, longtemps […]. Je voudrais te dire… Parce que, Alberto, c’était l’un des personnages principaux de cette histoire. Alberto Camps. Je ne lui ai jamais rien demandé… à propos de ce qui c’était passé, ou à propos du comment… Je ne lui pas non plus parlé de la Cantate. Je crois que je ne la lui ai même pas faite écouter. C’était un camarade. Il est venu chez moi. Je participais, entre autres choses, de cette façon, en logeant les camarades de passage. Je ne lui ai jamais, jamais rien dit.

Du chant du coq. Cantate

Paroles : Juan Gelman. Musique : Juan Cedrón

Cuarteto Cedrón, 1972

Extraits

II. changements

et nous ?

nous voulons non seulement l’égalité dans la mort

nous voulons aussi l’égalité en vie

nous voulons la justice en vie

même si la vie est courte

et longue la mort

III. gloires

était-elle blonde la cabaretière de Santa Lucía ?

avait-elle les yeux bleus ?

chantait-elle comme l’alouette au levant rouge ?

et cette lumière était-elle la gloire du jour ? […]

qui n’aurait pas voulu se trouver là ?

à oublier sa colère

dans l’ombre du corsage de la cabaretière ?

on pourrait en parler pendant des heures de cette histoire

on pourrait en raconter d’autres aussi tristes

sans réchauffer une seule parcelle de ce pays,

sans réchauffer un seul cœur […]

pensez-vous qu’il ne coule plus le sang des 16 fusillés à Trelew ?

dans les rues de Trelew, et dans les autres rues de ce pays, ce sang

[ne coule-t-il plus ?

y a-t-il un seul endroit du pays où ce sang ne coule plus ?

vos lits n’en sont-ils pas imprégnés ? amants ! […]

ne faudrait-il pas aller le chercher ?

ne faudrait-il pas entendre ce qu’il dit ? ce qu’il chante ?

ce sang n’est-il pas en train de dire ? de chanter ?

et qui va le veiller ? qui fera le deuil de ce sang ?

qui lui refuse de l’amour ? qui lui donne de l’oubli ?14

107C’est maintenant que je parle avec toi que je m’en rends compte. Je ne sais pas. Ce n’est pas seulement une question de pudeur. Mais, parfois, il faut que les choses coulent d’elles-mêmes. Je n’ai rien demandé à Alberto.

108Ensuite, j’ai connu la Berger. Je l’ai vue plusieurs fois à Paris. Haidar aussi. On parlait de ce qu’il fallait faire. On travaillait à tout moment. Il y avait une sorte de rigidité, de solennité. Mais avec toute la tendresse. Je ne leur ai rien demandé… mais je les aimais. Pour moi, ils étaient des êtres chers.

109Albertito, c’était un type extraordinaire. Une fin d’année… (Je fais de tout à la maison, mais laver les assiettes, j’aime pas ça.) Une fin d’année, à Noël, on avait fait du porc, ou du mouton, je ne sais plus, mais c’était quelque chose de bien gras, et Alberto me dit : « Bon “Tata”, aujourd’hui, c’est toi qui laves les assiettes ! » […]

110c&c — La Cantate est-elle d’actualité ? Je veux dire en tant qu’œuvre ?

111Cedrón. — Pour moi, elle l’est. Il y a eu un fait réel et nous avons fait la Cantate. Comme je disais, en marge de nos activités militantes. Je peux encore la chanter. Elle est dure. Mais c’est une œuvre d’art. Je le dis sans emphase. Cette œuvre existe à la manière d’une peinture. L’autre jour, je me demandais... S’il fallait donner une image, représenter le style du Cuarteto, je choisirais Goya. Pas Picasso. Pas... je ne sais pas...

112c&c — Les gravures de Goya ?

113Cedrón. — Les gravures... mais, en l’occurrence, les fusillés. Pour moi, la Cantate, Trelew, c’est Los Fusilamentos de la Moncloa. Un tableau, et il va perdurer. On peut chanter la Cantate. Bien sûr qu’on peut. Un jour, je la chanterai. Je l’espère. C’est un problème de volonté.

114c&c — Mais vois-tu, quand on fait un tableau, l’émotion qu’on mobilise, on la met une fois dans ce tableau, le temps de la création. Quand on chante, quand on interprète devant les autres... c’est comme si tout était toujours à refaire… Qu’en est-il de l’émotion ?

115Cedrón. — La différence entre un musicien et un peintre, c’est celle-ci : la musique peut être rejouée. Elle peut être rejouée et jamais elle ne sera la même. Car jamais tu ne revivras le même moment. Du temps a passé. Tu commences à chanter… et du temps passe déjà. Cela a été.

Du chant du coq. Cantate

Paroles : Juan Gelman. Musique : Juan Cedrón

Cuarteto Cedrón, 1972

Extraits

IV. lettres

Entre tes bras et mes bras est-ce comme s’il y avait une toile de forces contraires, de chiens, de vents, une toile d’amour où

quelqu’un annonce que les bêtes sont quelque part dans l’obscurité

à se battre contre des ombres impatientes, comme aveugles […]

la camarade écrit « le 20 avril à 20 h 05 est né

le petit que j’ai attendu gardé défendu si longtemps contre » écrit-elle

contre la bête obscure la gégène les coups dans le ventre où lui

« que j’ai défendu si longtemps » écrit-elle « avec l’aide de vous toutes, mes camarades et amies » écrit-elle et quand

le 24 (lundi), elle l’a couché pour la nuit et l’a mis dans son berceau

« ses petits yeux ne s’ouvraient plus et ne s’ouvriraient plus »

[écrit-elle

« actalectasie pulmonaire hémorragies » ont dit les docteurs […]

y a-t-il des chevaux pour vaincre l’ennemi ? celui qui a vécu

cinq jours n’est-il pas un cheval pour vaincre l’ennemi ?

ses petites mains ne sont-elles pas devenues un cheval pour vaincre l’ennemi ? n’est-il pas en train de galoper de courir maintenant entre tes bras et mes bras ma bien aimée ? […]15

De la Cantate Chances

Paroles : Juan Gelman Musique Juan Cedrón

Cuarteto Cedrón, 1977

Extrait

 [les compagnons ne parlent pas de la chance/c’est tout juste]

s’ils disent en se quittant « bonne chance » mais pas comme

souffle éléphant certitude seulement

pour dire « puisses-tu rester vivant » c’est-à-dire

« toi, continue à vivre »16

116Si tu reprends une chanson, c’est un autre temps qui va passer. Alors, mettons qu’un musicien enregistre deux prises d’un même morceau : il se peut que les deux prises durent, toutes deux, trois minutes et quatre secondes, mais les enchaînements d’une phrase à l’autre ne seront pas les mêmes, jamais. Le chant, c’est de cet ordre. On ne peut jamais chanter une chanson de la même manière. Certaines chansons perdurent. Elles ont eu une émotion particulière au moment où tu les as enregistrées. Cette émotion demeure. Tu rechantes la chanson et, là encore, il y a de l’émotion. Une autre émotion. Pas la même.

117c&c — Ce que je me demande… c’est que ce ne doit pas être la même chose que de chanter, vingt, trente ans plus tard, « petit, viens ici »17 et « pensez-vous qu’il ne coule plus le sang des seize fusillés à Trelew ? ».

118Cedrón. — Je pense que je le chanterais de la même manière. Tu me le dis maintenant : « Pensez-vous qu’il ne coule plus le sang des seize fusillés à Trelew ?… et qui va le veiller ? » Je le dirais encore. Pareil, oui. Je te dis plus : les chansons sont bizarres, si je devais rechanter la Cantate je pense que je m’appuierais plus sur les mots que si je chantais La última curda18, par exemple. Je peux dire « raconte-moi ta douleur, parle-moi de tes échecs » et cela passe. Mais « pourquoi était-il triste ce cheminot… le matin… », cela, je vais le dire en pensant à ce cheminot. La plupart du temps, je pense autrement : je suis strict, je suis contre cela ; mais la Cantate, c’est différent. Je réfléchis. Là… tout haut… Je pourrais tout à fait rechanter : « Pensez-vous qu’il ne coule plus le sang des seize fusillés à Trelew ? » Ces mots ne sont pas que des sons. Il y a un contenu dramatique fort. Dans mon cas, il y a une expérience réelle, vécue. J’y étais. J’ai vu.

119c&c — Justement. Tu évoques l’expérience, tu évoquais le temps. Que se passe-t-il quand une œuvre, comme la Cantate, même non écrite, non composée autour d’un seul fait mais d’une série de faits politiques, est à ce point connotée, ancrée dans une période historique ? Tous les textes de la Cantate ne portent pas sur Trelew mais tous parlent de persécution, de prison…

120Cedrón. — D’exploitation… oui.

121c&c — De ce point de vue, ces textes sont représentatifs de ce que c’était que vivre en Argentine dans ces années. Disons, c’est une vision des faits. Je comprends qu’il y a une œuvre musicale derrière, et qu’elle ne meurt pas, parce qu’elle est plus abstraite, plus libre que le texte. Qu’en est-il des mots ? Ou plutôt de l’œuvre dans son ensemble : texte, musique et chant. Je pourrais te dire la même chose au sujet de Chances

122Cedrón. — Oui, l’autre cantate19. Je pense que le tout se tient : texte, musique et chant. Prends El Aromo de Yupanqui. Prends Sur20. Sur raconte des histoires. Il raconte un quartier, il raconte une histoire d’amour, un coin de rue, des personnages, le forgeron. Il raconte des paysages dans la nuit, les lunes suburbaines, des parfums aussi… Tout cela a été réel et perdure comme légende. Légende de quelque chose qui a été, que l’on a aimé, et qui reste extraordinaire et aimé parce que, aujourd’hui… le coin de rue du forgeron, tu le vois. La maison de Juana la blonde, tu la vois… Même si cela vient à disparaître, il se trouvera toujours quelqu’un pour dire : « Maintenant, ici, il y a des bâtiments, des gratte-ciels, et ici vivait Juana la blonde. » Peu importe que la maison soit détruite et ensevelie sous un bâtiment des plus modernes. Pour la Cantate, il va se passer la même chose. Parce que c’est une œuvre d’art, des poèmes, une musique et une interprétation de quelque chose qui a eu lieu. C’est un paysage. Comme Sur peut être un paysage. Je le dis sans minimiser le massacre de Trelew, sans minimiser le cheminot triste ou la femme qui a écrit la lettre, une détenue : cette lettre est réelle21. Tout cela représente. Cela devient paysage qui un jour a été réel. Ce qui s’est passé à Trelew s’y est vraiment passé. Cela a été. La femme de la lettre a été… Marcos22 a été. Les camarades de la fin de Chances, ils ont été. Tout cela a été. « toi, continue à vivre ». Cette strophe finale de l’autre cantate, Chances… Ce que disent les camarades : seguí viviendo vos, « toi, continue à vivre ». C’était un sentiment vrai, ce sentiment existait, il était parmi nous, et il demeure. Il ne s’effacera pas.

123C’est cela justement qui ne s’effacera pas, parce que le tableau a été fait par des artistes qui ont vécu cela, qui ont été émus par cela, qui en ont été bouleversés. C’est comme si tu prenais une photo d’une inondation. On peut prendre beaucoup de photos d’une inondation. Tu peux prendre une photo lorsque les eaux sont en train de monter et, là haut, il y a un enfant, derrière le carreau d’une fenêtre. Tu peux aussi prendre une photo quand tout est déjà sec, il y a les morts. Ce n’est plus la même photo. Nous n’avons pas pris la parole cent ans après Trelew pour dire « ici, il y a eu une tuerie ». Nous n’avons pas cherché à la manière des anthropologues ou des historiens – et le travail des uns et des autres est valable, peut-être plus difficile, mais c’est un autre travail. Nous avons fait ce que nous avons fait sur le moment et sur le vif. Nous avons pris la photo alors que les eaux montaient. Et cela est resté.

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Notes

1. Francisco (dit « Paco ») Urondo est assassiné le 17 juin 1976. Cerné par les forces de police, il avale une pastille de cyanure. Au demeurant, l’autopsie pratiquée met en évidence le fait qu’il a reçu une balle dans la tête.
2. Il convient de signaler que cet entretien ne concerne pas que les faits de Trelew (évasion et massacre). Il comprend également une série de réflexions sur le moment politique que vit alors l’Argentine – notamment en relation avec les thèmes que nous avons évoqués précédemment : rôle du péronisme, politique du gouvernement de Lanusse, méthodes de la lutte antiguérilla. Les extraits choisis ne peuvent restituer toute la richesse du dialogue. Il faudrait pour cela une publication intégrale et un important appareil critique, ce qui dépasse les possibilités de ce dossier.
3. Surnom de Salvador Allende.
4. Signalons qu’à d’autres moments Berger, Camps et Haidar reviennent sur les nuances nécessaires à introduire au sujet de cette union ponctuelle, de ce rapprochement réel et valorisé positivement, sans méconnaître les différences entre les diverses organisations, en particulier entre les organisations péronistes et non péronistes. Ce que Mariano Pujadas (l’un des tués) avait déjà souligné, en toute subtilité, lors de la conférence de presse du 15 août 1972 (le texte intégral de cette conférence est publié dans ce même ouvrage, La Patria fusilada, pp. 153-162). Par ailleurs, à l’occasion de cette évasion, l’une des discussions à laquelle il est fait référence dans cet extrait aboutit à l’élaboration d’un document signé par les FAR et Montoneros, lequel préfigure l’union ultérieure – en l’occurrence la fusion – de ces deux organisations (texte connu sous le nom du « balido de Rawson », le « bêlement de Rawson » (le nom vient de la nourriture des prisonniers et de la récurrence du mouton).
5. Roberto Quieto, évadé, du groupe des dix ayant rejoint le Chili.
6. Capitaine de frégate. Infanterie de la Marine. Formé à Fort Gulik (Panama). Il sera par la suite envoyé aux Etats-Unis où l’on perd sa trace. Sur le sujet, voir l’ouvrage de Cheren L. cité dans le corpus.
7. Le mot vient de verdugo (« bourreau »), et renvoie à l’abus de pouvoir, aux mauvais traitements, à la persécution et, plus encore, à l’idée d’acharnement.
8. Notre traduction.
9. Juan Cedrón est compositeur, guitariste et chanteur, fondateur du Cuarteto Cedrón. Comme cela a été signalé, cet entretien porte spécifiquement sur l’une de ses œuvres : Du Chant du Coq. Cantate, poèmes de Juan Gelman. A l’époque de la Cantate font également partie du Cuarteto Cedrón : Miguel Praino (alto), César Stroscio (bandonéon) et Jorge Sarraute (contrebasse), ici nommé le flaco Sarraute (« le maigre »). Nous avons laissé en espagnol ces appellations affectueuses, le lecteur trouvera aussi le pelao (« le chauve »).
10. Ces trois musiciens réputés, François Rabbath, Paco Ibañez, Jaime Torres – respectivement français, espagnol et argentin – sont aussi des amis des membres du Cuarteto et ont accompagné le groupe en diverses occasions.
11. Rodolfo Ortega Peña et Eduardo L. Duhalde, avocats des survivants des exécutions de Trelew. Ortega Peña est assassiné par la Triple A, le 31 juillet 1975.
12. « Balade de l’homme qui se tait ». Poème de Juan Gelman. Musique de Juan Cedrón.
13. Poète, écrivain et journaliste argentin.
14. Notre traduction.
15. Notre traduction.
16. Notre traduction.
17. Paroles de La casa del asiento de tortuga, berceuse (poème aztèque, anonyme, musique de Juan Cedrón), 1973.
18. La última curda, tango (Cátulo Castillo, Anibal Troilo), 1956.
19Chances, 1978. Voir encadré.
20Sur, tango (Homero Manzi, Anibal Troilo), 1948. Ce tango, très connu, évoque plusieurs quartiers du sud de Buenos Aires dont Pompeya. Les personnages ici évoqués sont nommés dans ce tango et dans d’autres tangos écrits par Homero Manzi, parolier.
21. « Lettres » (Du Chant du Coq. Cantate). Ce poème reproduit en partie une lettre effectivement écrite par une détenue à Trelew. Voir encadré.
22. Marcos Osatinsky. L’un des évadés de Trelew, assassiné en 1976. Nommé dans l’un des poèmes de Juan Gelman mis en musique par Juan Cedrón (Chances, 1978).
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Pour citer cet article

Référence papier

Antonia GARCIA CASTRO, « Trelew – Voix croisées. Argentine, 1972 »Cultures & Conflits, 61 | 2006, 139-164.

Référence électronique

Antonia GARCIA CASTRO, « Trelew – Voix croisées. Argentine, 1972 »Cultures & Conflits [En ligne], 61 | printemps 2006, mis en ligne le 17 mai 2006, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/conflits/2043 ; DOI : https://doi.org/10.4000/conflits.2043

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