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La pauvreté en Inde : une question de castes ?

Marie-C. Saglio-Yatzimirsky

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Mots-clés :

exclusion, pauvreté

Géographique :

Inde
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Texte intégral

1« On vient nous chercher et on nous paie pour voter, et nos jeunes sont maintenant sortis de l’ignorance. Le gouvernement lui-même travaille pour nous. Autrefois, ceux qui possédaient faisaient travailler les pauvres, et leur donnaient à manger. Ils faisaient la loi. Personne ne venait nous demander ce qu’on voulait. Et puis on a voulu qu’on vote, et aujourd’hui, nous les Parias, on se civilise. Il y a aussi plus de monde qu’avant, plus de pauvres, et ce monde et ces pauvres réclament, maintenant. » Viramma, intouchable d’un village de l’Inde du Sud1 Plus du tiers de la population indienne souffre aujourd’hui de malnutrition, d’illettrisme, de mauvaises conditions de santé et de logement2 3. Pourtant, les bas revenus et les conditions de vie ne révèlent qu’un aspect partiel du dénuement du pauvre en Inde, qui est aussi méprisé par une société qui l’a toujours tenu à l’écart. La pauvreté en Inde a en effet cela de spécifique qu’elle n’est pas seulement une question de revenu, mais de statut. Dans la société hindoue organisée en castes (jati) 4, la naissance positionne l’individu sur une échelle de statut. De la position de caste découlait autrefois un niveau d’aisance relatif et des attributs de pouvoir : en bas de l’échelle étaient les intouchables et les plus basses castes, stigmatisés par leur statut inférieur et relégués aux tâches impures et aux difficiles travaux agricoles. Depuis la fin du siècle dernier, les évolutions économiques et politiques ont remis en cause cette congruence entre statut rituel inférieur et pauvreté. La Constitution de 1950 fixe un objectif de justice sociale et d’égalité des chances et établit des mesures spéciales – sièges réservés pour la représentation politique et quotas dans l’éducation et les emplois publics – pour les catégories « arriérées » (backward classes) qu’elle définit selon un critère de caste : ces groupes comprennent en particulier les Scheduled Castes c’est-à-dire les intouchables et les Scheduled Tribes ou tribus. Le paradoxe de la politique catégorielle de la pauvreté est qu’elle favorise la fragmentation des groupes bénéficiaires en castes d’intérêts rivaux dans l’attribution des avantages, en particulier depuis l’ouverture des quotas en 1990 à d’autres classes défavorisées (Other Backward Classes ou OBC), catégorie hétérogène qui correspond aux castes intermédiaires et qui comprend plus de la moitié de la population indienne. Cette fragmentation est avivée par le jeu des partis politiques qui se fidélisent des castes comme autant de groupes d’électeurs. Cela dit, les termes du rapport entre les politiques et les pauvres ont évolué. Les « backward » répertoriés sont devenus par leur nombre une force majeure avec laquelle il faut compter. La formation de partis de basses castes ou d’intouchables et leur poids politique actuel témoignent de l’émancipation progressive des pauvres. De sorte que la castéisation des pauvres, contradictoire avec les principes égalitaristes de la société démocratique, semble la condition nécessaire d’une politique en leur faveur. La pauvreté : une affaire de caste ? La corrélation traditionnelle entre les appartenances de caste et de classe Les « pauvres » dans la société rurale traditionnelle, structurée par la hiérarchie de statuts regroupaient principalement les basses castes de service et les intouchables. Ces derniers exerçaient les métiers impurs et dévalorisés d’équarrisseurs, de tanneurs, de balayeurs, de vidangeurs (etc.) et constituaient également la grosse masse des travailleurs agricoles sans terre. Viennent dans l’échelle hiérarchique, les castes de service (shudra), puis les castes marchandes (vaishya) suivies des castes guerrières (kshatriya), enfin les castes de brahmanes. Le système jajmani5. Il assurait ainsi la subsistance et la relative sécurité des castes de service et des travailleurs agricoles. L’endettement chronique de la main d’œuvre intouchable traduisait toutefois leur situation précaire. La pauvreté des plus basses castes était donc réelle, mais elle semblait alors partie intégrante d’un système hiérarchique où statut de caste et position de classe étaient corrélés, ce qui la rendait « acceptable » par la société6. Urbanisation et industrialisation La disparition progressive de cette organisation a été favorisée par l’industrialisation et l’urbanisation. Avec l’ouverture de l’économie villageoise et la monétarisation des échanges, la transmission des métiers de caste entre générations est moins systématique, tandis que les opportunités de mobilité spatiale et socio-économique se multiplient, souvent animées par des logiques d’élévation statutaire. L’émergence des grands centres urbains se fait sur la base du capital manufacturier et commerçant qui introduit une nouvelle division du travail, et ignore les spécialisations de caste. Sur le marché du travail urbain compétitif, les migrants répondent à la demande d’une main d’œuvre non qualifiée dans le travail informel, qui favorise la disparition de leurs qualifications artisanales traditionnelles, et les appauvrit souvent. Un double phénomène accélère la croissance des bidonvilles : la pression hors des villages où le travail manque, et l’attirance pour la ville industrielle qui offre du travail. Aujourd’hui la moitié de la population des mégalopoles de Bombay, Calcutta et Delhi vit dans des quartiers auto-construits et précaires. Cette pauvreté urbaine est d’autant plus insoutenable qu’elle révèle les disparités de niveaux de vie entre les pauvres et la classe moyenne7 . Ces évolutions ont modifié certaines structures socio-économiques : la pauvreté a dépassé les limites de la caste et touche une population de plus en plus hétérogène. D’une part, des écarts de revenus apparaissent à l’intérieur des castes, d’autre part des populations spécifiquement vulnérables sont de plus en plus touchées par la pauvreté : il s’agit des chômeurs, femmes et enfants. L’adéquation entre positions de caste et de classe, qui explique que les groupes sociaux de plus bas statut hiérarchique aient été aussi les plus démunis, s’est donc relâchée. Les structures sociales traditionnelles, comme la famille et la caste, sont bouleversées et leur fonction de réseau de solidarité s’en trouve affaiblie. Dans les villages où le sous-emploi chronique provoque des migrations et dans les villes qui subissent l’affluence continuelle de migrants de toutes origines, les réseaux d’entraide, construits par les liens de famille, de village ou de jati, disparaissent progressivement. La pauvreté revêt donc le visage social de l’exclusion, comme en témoigne la multiplication des ghettos dans les centres urbains, mais aussi dans les bidonvilles eux-mêmes stratifiés par les écarts de revenus. La mesure officielle de la pauvreté par la caste La politique de discrimination positive Cette évolution s’est inscrite dans un moment clé de l’histoire politique de l’Inde : celui de la mise en place des institutions démocratiques de la nation indépendante qui se donne pour tâche la « fin de la pauvreté, de l’ignorance, de la maladie et des inégalités des chances » 8. Les principes fondamentaux sur lesquels repose la Constitution sont l’interdiction de toute discrimination dont celle fondée sur la caste (art. 15), l’abolition de l’intouchabilité (art. 17), et l’égalité des citoyens (art. 16). Le principe de non discrimination (art. 15 (1)) ne doit pas empêcher le gouvernement de prendre des mesures spéciales en faveur des Scheduled Castes (SC, castes répertoriées et anciennes « depressed community »), des Scheduled Tribes (ST, Tribus répertoriées), et des « groupes socialement et économiquement arriérés » (SEBC, Socially and Educationally Backward Classes) (art. 15 (4)). Pour définir ces catégories de « pauvres », le gouvernement de J. Nehru s’appuie sur les classements administratifs systématiques opérés par les britanniques depuis la constitution du Registre Général de l’Inde en 1881, et sur les listes de castes établies dans les recensements décennaux, dont celui de 1931, le dernier à faire correspondre les groupes sociaux aux états (varna). Avant l’indépendance, les bénéficiaires du système de compensation préférentielle étaient les groupes se caractérisant par leur retard dans l’éducation et souffrant d’intouchabilité, c’est-à-dire ceux qui étaient exclus de l’utilisation des biens publics (routes, puits, écoles…)9. A l’indépendance, la nouvelle politique de discrimination positive identifie clairement ses bénéficiaires : les intouchables et les tribus. En revanche, la catégorie des « autres classes arriérées » (Other Backward Classes) est plus imprécise. Dans la Constitution de 1950, comme dans l’emploi qui en est fait au XIXè siècle, le terme de « classe » ne se réduit pas au sens économique ; il désigne plus largement des personnes ayant en commun certaines caractéristiques qui peuvent être ethniques, religieuses ou encore de caste. La catégorie des OBC comprend donc une population hétérogène même si elle recouvre globalement les basses castes10. La Constitution attribue aux castes et tribus répertoriées des sièges dans les assemblées législatives en nombre proportionnel à leur population (art. 330). Elle ne précise pas de mesures directes de réservation dans les emplois publics (art. 335), mais s’engage à considérer les requêtes formulées par les SC et ST. La disposition de l’article 16(4) de la Constitution réserve 12,5% des postes pour les SC, et 5% pour les ST. En 1970, ces pourcentages ont respectivement été élevés à 15% et à 7%, ce qui correspond au poids respectif de ces groupes dans la population indienne. L’élargissement des quotas à la moitié de la population indienne Au départ, la politique de discrimination positive était limitée à une période d’attribution de vingt ans (art. 331 de la Constitution), mais ce délai a été reconduit trois fois jusqu’à l’an 2000. Au cours de cette période elle a connu deux aménagements majeurs. Le premier est la possibilité d’un élargissement des bénéficiaires à d’autres groupes défavorisés (Other Backward Classes), question examinée dès 1953. Si les principales recommandations du comité sont alors rejetées par crainte d’aviver des tensions sectaires, le gouvernement autorise toutefois les Etats à établir ponctuellement leur liste de groupes défavorisés et à mettre en place des mesures pour les réhabiliter. La question est reprise par la commission Mandal en 1978. Selon son rapport de 1980, 52% de la population indienne appartiendrait à la catégorie des autres groupes défavorisés (Other Backward Classes). La réforme est finalement promulguée par le gouvernement non congressiste et socialiste du parti Janata Dal en août 1990. Ces autres classes défavorisées bénéficient désormais, comme les SC et ST, de réservations et d’avantages dans les emplois publics et semi-publics et d’admissions dans les institutions éducatives, dans une limite de 27% des postes, limite imposée par la Cour Suprême pour que le total des réservations ne concerne pas plus de 50% des postes11. Les recommandations de la commission Mandal se fondent sur le critère de caste pour mesurer le retard social, sans prendre en compte le niveau économique. La caste s’affirme ainsi comme le critère de base de la politique sociale, au détriment de la classe au sens socio-économique du terme. Cet élargissement des mesures de discrimination positive aux OBC permet certes de dépasser la problématique des minorités – intouchables et tribus – pour une politique plus générale de justice sociale, mais il éloigne d’une vision socialiste d’intégration des plus démunis et favorise les tensions sectaires. L’adaptation des quotas à une définition plus économique de la pauvreté Toutefois l’introduction de critères socio-économiques dans la définition de la population-cible permet d’étayer cette politique et constitue la seconde modification importante. En effet, la distribution des quotas crée des injustices puisque les strates supérieures des castes répertoriées bénéficient également d’avantages. Dans les années cinquante, le Ministre de l’Intérieur recommande aux Etats un critère tenant compte de la profession et l’introduction d’un plafond de revenus. En 1963, les conclusions du cas Balaji v. State of Mysore précisent que le critère de caste (au sens de rang) ou de communauté (qui comprend les castes) est constitutionnel mais qu’il n’est pas exclusif : les critères de retard social (« social backwardness »), de profession ou de lieu d’habitation sont également pertinents dans la définition des groupes défavorisés. Les critères de revenu et de profession s’imposent donc comme mesures supplémentaires du retard de certains groupes. Une décision de mars 1993 tente de limiter les bénéfices aux seuls nécessiteux parmi les castes sélectionnées : les conclusions du comité Prasad définissent une élite (creamy-layer) à l’intérieur des castes de bénéficiaires répertoriées, c’est-à-dire les personnes n’ayant plus besoin des bénéfices. Les limites de la politique de discrimination positive La politique de discrimination positive a permis une amélioration de la condition des plus pauvres, comme en témoigne par exemple le développement de leur niveau d’éducation. En 1961, 10% des intouchables étaient alphabétisés ; en 1991, ils sont 37%. L’écart entre eux et le reste de la population se réduit : les pourcentages de la population indienne alphabétisée sont respectivement de 24% en 1961 et de 52% en 1991. Mais le retard des intouchables est encore important : ils sont quasiment absents de secteurs entiers. Ainsi, ils ne représentent que 7% des étudiants de l’enseignement supérieur en 1979. Les réservations dans les emplois publics ne touchent qu’une faible proportion de l’immense masse des intouchables sans améliorer le sort de la majorité et ne semblent pas remettre en cause la hiérarchie de castes qui réserve aux plus hautes les meilleurs emplois. Ainsi, en 1987 les intouchables occupent 20% des emplois du gouvernement central de classe 4 (balayeurs et appariteurs), 15% des postes de classe 3 (employés de bureaux), 8% des postes de classe 2, et 5% de ceux de classe 1. Enfin, il faut distinguer les mesures en faveur des intouchables qui se sont avérées nécessaires à l’amélioration de leur condition, des mesures réservées aux OBC, plus discutables dans leur conception, leur application et leur résultat. Les programmes anti-pauvreté Définition de la population cible Outre la politique de discrimination positive, un ensemble de mesures contre la pauvreté économique est mis en place à l’indépendance. L’action sociale s’intensifie, en particulier sous le premier gouvernement d’Indira Gandhi (1966-1977) qui fait du slogan « garibi hatao ! » (litt. « Chassons la pauvreté ! ») son programme politique. Jusqu’à la fin des années soixante-dix, la priorité est la lutte contre la pauvreté rurale, numériquement plus importante que la pauvreté urbaine, et qui touche particulièrement les paysans sans terre. La politique de redistribution de la terre à celui qui la cultive personnellement, qu’il soit propriétaire, métayer, ou travailleur agricole, est toutefois peu appliquée – sauf dans le Bengale occidental12 – et cela pour des raisons essentiellement politiques : le gouvernement recule en effet devant la pression des lobbies de grands propriétaires ruraux ; les petits paysans et les travailleurs manquent de moyens pour se mobiliser. Leur condition s’améliore donc peu, ils restent politiquement et économiquement assujettis à des classes moyennes qui s’enrichissent. Les divisions de classe restent fondées sur des divisions de caste : les intouchables et très basses castes s’opposent aux agriculteurs aisés. Le recensement de 1991 révèle la sur-représentation des intouchables dans le monde rural pauvre : 50% des travailleurs intouchables sont des travailleurs agricoles, et 25% des métayers : endettés, au revenu insuffisant pour épargner et s’éduquer, ils ne font souvent que survivre. La difficulté d’atteindre les plus pauvres Le programme d’aide alimentaire ou système de distribution publique (PDS, Public Distribution System) mis en place dès les années cinquante vise les bas revenus et met à leur disposition dans les boutiques d’Etat (les fair-price shops) des céréales à prix réduits. Ce système souffre, outre des problèmes structurels de fonctionnement (problèmes de transport et de distribution, trafic, revente et marché noir) d’un manque d’efficacité : mal distribué dans les zones rurales les plus reculées, aux prix de vente encore trop élevés, il n’atteint pas sa population-cible, les pauvres des zones rurales. Il profite donc surtout aux populations urbaines aux revenus moyens. Les grands programmes de travaux ruraux, les plans « Food for Work », ont pour cible les chômeurs, qui sont rétribués majoritairement en grains contre leur participation à des travaux d’aménagement d’intérêt collectif. Certains de ces programmes sont ambitieux comme le Employment Garantee Scheme lancé par l’Etat du Maharashtra en 1972, qui garantit un emploi aux travailleurs ruraux pendant la basse saison. Lors du sixième plan quinquennal (1980-85), ce projet est élargi au niveau national. Certains de ces programmes ont pour avantage d’affiner leur cible, comme le programme de développement rural intégré (Integrated Rural Development Programme) de 1981, qui réserve 50% de ses emplois aux SC-ST, et 40% à des femmes. L’idée est de favoriser l’accès au capital pour que les pauvres se constituent en petits entrepreneurs (achat d’une vache laitière…). Mais ces programmes révèlent vite des limites : la population cible est souvent trop démunie ou illettrée, ou encore trop peu qualifiée pour pouvoir profiter de ces opportunités. Et les bénéficiaires sont ceux qui maîtrisent un certain nombre de données (accès aux terres, éducation…). En outre, ces programmes anti-pauvreté reposent sur une définition trop quantitative de la pauvreté (budget, ressources nutritionnelles…) et procèdent comme mesure d’urgence plutôt que de développement à long terme. Cela dit, l’échec de certains programmes s’explique autant par les limites techniques de conception et de mise en place que par l’attribution clientéliste des aides. Les exceptions régionales du Kerala et du Bengale Occidental démontrent pourtant la réussite de politiques sociales ambitieuses. Ainsi, dès les années cinquante, le gouvernement communiste (CPI(M)) du Kerala a mis au point une politique de développement qualitatif et a assuré un niveau d’éducation et un système de soins publics généralisés, ainsi qu’un système de retraite et de salaire minimum aux travailleurs agricoles. L’effort et l’orientation idéologique des gouvernements d’Etats les rendent largement responsables des progrès de la lutte contre la pauvreté, même si cette conception de l’aide est critiquée. Les effets pervers de la politique de discrimination positive Les rivalités entre pauvres Dans les faits, la politique de quotas a favorisé les revendications sectaires et les rivalités entre les castes pour l’obtention d’avantages, avivées par le clientélisme et les stratégies électorales des partis. L’élargissement des réservations aux autres castes défavorisées (Other Backward Classes) en 1990, c’est-à-dire à plus de la moitié de la population indienne, a accentué les clivages entre les castes. Les antagonismes entre communautés de statuts différents se sont ainsi multipliés sous la forme de violences (atrocities), par exemple au Bihar, entre les intouchables travailleurs du cuir chamar, les castes d’agriculteurs propriétaires yadav et les brahmanes bhumihar. Les cas de rivalités au niveau local entre les castes de même statut, par exemple entre les intouchables, sont nombreux au Maharashtra et en Uttar Pradesh, deux Etats remarquables par l’ampleur de la mobilisation politique des très basses castes. Le Maharashtra se pose comme le lieu de naissance des mouvements dalits13c’est-à-dire des intouchables politisés. En effet, les mahar, intouchables, autrefois gardiens de village, ont été politisés dès les années vingt par le leader Ambedkar14 qui les a organisés en fédération, puis dans le RPI (Republican Party of India) en 1956. Politiquement bien représentés, les mahar sont ainsi en position favorable pour l’obtention d’avantages, ce qui avive les tensions avec les autres castes intouchables minoritaires de l’Etat, dont les castes locales du cuir (cambhar). A la recherche d’une protection propre, ces derniers se tournent alors majoritairement vers le Congrès, parti dominant, et espèrent ainsi bénéficier avantageusement du système de réservations. Aujourd’hui, les mahar sont fidèles sinon au RPI, du moins à l’idéologie d’Ambedkar. Les cambhar sont divisés entre le Congrès, leur traditionnel parti d’allégeance, et les partis nationalistes hindous. La rivalité entre castes intouchables, qui aboutit donc à une polarisation de leur vote, se retrouve également en Uttar Pradesh. La caste majoritaire intouchable des jatav, cordonniers, a profité de l’« ambedkarisation » et s’est ralliée au RPI dans les années soixante, puis au Bahujan Samaj Party, parti dalit fondé en 1984. Moins éduquée et plus pauvre, la communauté balmiki, qui regroupe des castes intouchables de balayeurs, témoigne d’une socialisation politique toute différente. Aujourd’hui, la vieille génération vote pour le Congrès, tandis que la nouvelle est séduite par les partis nationalistes hindous. La division entre jatav et balmiki est la conséquence de rivalités statutaires et économiques renforcées par la politisation de la question des quotas, mais aussi par l’action des partis qui instrumentalisent ces rivalités. Le développement du clientélisme En effet, l’importance numérique des pauvres leur donne un poids considérable dans l’institution démocratique caractérisée par le suffrage universel. Ils sont donc une cible électorale essentielle. Dans les années cinquante à soixante dix, période d’hégémonie du Congrès, les basses castes manquent d’expérience politique et sont aisément manipulables : les faibles niveaux d’éducation et de développement économique des pauvres favorisent les relations clientélistes c’est-à-dire leur récupération par les politiques. Les élections sous le règne du Congrès fonctionnent ainsi par « banques de votes » grâce à des notables influents, souvent des castes dominantes, capables de se rallier les voix de ceux qui se trouvent sous leur dépendance économique et politique15. Dans les Etats où le Congrès est moins important, les pauvres se tournent vers les partis communistes ou socialistes. Ainsi au Kerala et Bengale Occidental, ils soutiennent les partis communistes ; au Tamil Nadu et en Andhra Pradesh, ils appuient les partis régionaux anti-brahmanes. Dans les Etats communistes, les intérêts de classe semblent prédominer sur les intérêts de caste, sans toutefois les remplacer. Une tendance politique récente a renforcé l’intérêt électoral que représentent les plus pauvres. La montée du parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (BJP), en a fait une cible encore plus stratégique. Ce parti nationaliste développe comme argument central la défense de « l’hindouité » (hindutva). S’opposant à tout élément étranger, anti-musulman, il intègre dans sa définition du peuple hindou les intouchables et basses castes, dont il cherche à se rallier les votes. Ainsi, la castéisation de la politique, c’est-à-dire l’émergence de la caste comme structure politique déterminante, qui identifie un parti à une caste et privilégie les considérations de caste lors du vote, caractérise le jeu électoral indien aujourd’hui. Les exemples se multiplient de fragmentations entre les castes de statut pourtant similaire, qui, selon leurs intérêts locaux, font telle ou telle alliance. Par exemple au Bihar, les kurmi, basse caste paysanne, s’opposent aux intouchables et votent pour le parti socialiste (Samajwadi Party ou SP). Dans l’Uttar Pradesh en revanche, ils s’allient avec les intouchables puisqu’ils sont en rivalité avec les yadav (bouviers), la basse caste majoritaire qui forme la base électorale du parti socialiste (SP).

2La démagogie des programmes électoraux Les stratégies politiques aboutissent au développement de programmes démagogiques et partisans, où l’effort social est réduit à un argument électoral. « Ils pensent à nous avant les élections, mais après ils ne savent plus où on habite ! » commente l’intouchable Viramma pour exprimer ces stratégies électorales et de courte durée. Elle ajoute à propos des deux partis régionaux : « Ces deux partis pensent pareil, ils veulent la démocratie et faire quelque chose pour les pauvres, mais une fois au pouvoir, ils ne s’occupent plus de nous » 16 . Ainsi au Maharashtra, le parti nationaliste hindou régional de la Shiv Sena a gagné les voix des électeurs intouchables non mahar – ces derniers étant acquis au RPI – par des politiques outrancièrement démagogiques, comme en témoigne son programme de logement urbain. La Shiv Sena, arrivée à la tête de la municipalité de Mumbai en 1984 a d’abord mené une croisade pour le nettoyage de Mumbai rebaptisée « Slumbay » et a orchestré des démolitions et expulsions systématiques comme elle l’avait promis à son électorat de petites classes moyennes. Mais face à l’intérêt croissant que représente le nombre des électeurs intouchables et de basses castes, elle adopte un programme démagogique, dont la promesse de logements gratuits aux plus pauvres constitue l’argument électoral majeur. Ainsi en 1989, la Shiv Sena promet un million de logements aux habitants des bidonvilles. Ce programme, reconduit en 1991 dans le Slum Rehabilitation Development Program, prévoit de reloger temporairement les habitants puis de leur allouer les appartements construits à la place des baraques du bidonville. En 1995, seuls 15 300 membres sont effectivement bénéficiaires du plan. Lors de la campagne pour les élections législatives de l’Etat du Maharashtra en 1995, le logement des pauvres est toujours l’argument électoral gagnant de la Shiv Sena, dont le nouveau plan, le Slum Rehabilitation Authority, promet la construction de 800 000 logements gratuits pour les habitants des bidonvilles. Cette politique a rapidement montré ses limites. Matériellement irréalisable, elle révèle les enjeux électoraux sous-jacents, et le hiatus entre les discours et l’action : les expulsions se poursuivent dans des conditions toujours plus dramatiques17et les habitants des bidonvilles ne participent toujours pas à la conception des programmes de réhabilitation. La mobilisation castéiste : condition pour la reconnaissance politique des pauvres ? La montée des partis dalits La fragmentation des basses castes en groupes rivaux et la castéisation de la politique sont des effets pervers de la politique de discrimination positive. Pourtant la promotion de la caste au centre du jeu politique est aussi un vecteur potentiel de démocratisation, et pas nécessairement un facteur de fermeture et de violence sectaires. En effet, la reconnaissance et l’affirmation de leur caste par les intouchables et les basses castes est un phénomène nouveau en Inde qui leur a permis de constituer leur propre force et de s’imposer dans le paysage politique actuel. Aujourd’hui celui-ci est marqué par de fortes personnalités intouchables : celle de Mayawati, chef du gouvernement (chief minister) de l’Uttar Pradesh en 1995, celle de Ram Vilas Paswan, ministre sous les gouvernements socialistes de 1989-90 et de 1996, celle de Kanshi Ram, fondateur du plus grand parti dalit. Certes la mobilisation des castes intouchables et basses castes n’est pas récente. Elle a été favorisée dès les années vingt par Gandhi et Ambedkar. Mais le parti républicain (RPI) créé par ce dernier n’a jamais eu, pour des raisons idéologiques et factionnelles, l’ampleur d’un mouvement national. La constitution du Bahujan Samaj Party (BSP) en 1984 par le leader intouchable Kanshi Ram a donné des dimensions nationales au parti intouchable. Le Bahujan Samaj regroupe littéralement la plèbe, le peuple. Il rassemble les voix des chamar – la caste intouchable majoritaire dans le Nord de l’Inde – mais aussi celles d’autres très basses castes. Il développe une stratégie électorale pragmatique, qui admet les alliances politiques avec tout autre parti qui soutient sa cause, fut-il des plus éloignés dans sa composition sociale et idéologique. Cette stratégie explique des alliances qui peuvent paraître opportunistes, avec le parti socialiste (SP) en 1993, avec le parti nationaliste hindou (BJP) en 1995, et avec le Congrès aujourd’hui. Dans l’optique dalit l’accession au pouvoir prime, dans l’immédiat, sur la réforme sociale. L’alliance entre le Bahujan Samaj Party (BSP) des intouchables et le Samajwadi Party (SP) des OBC a permis aux partis des « pauvres » de remporter les élections régionales de l’Uttar Pradesh en 1993. A la suite de la dégradation des relations entre les électeurs des deux partis, aux intérêts de classe et aux statuts divergents, le gouvernement d’alliance tombe en 1995. Le parti dalit s’allie alors au parti nationaliste hindou, le BJP, dont l’électorat provient très majoritairement des hautes castes. Le premier remporte ainsi 20% des suffrages, le second 33%. Leur victoire leur permet de porter à la tête du gouvernement d’Uttar Pradesh une femme intouchable, Mayawati, élue par les deux tiers des intouchables de l’Etat. Cette désignation est une double atteinte au système de pouvoir traditionnel fondé sur les supériorités hiérarchiques de caste et de sexe. Elle ne permet toutefois pas de rassembler les électeurs pauvres. En effet, Mayawati développe des mesures en faveur des intouchables, dont elle s’entoure dans la haute administration : un programme baptisé des « villages Ambedkar » distribue aux dalits les terres en attente depuis la période de l’Etat d’urgence (1975-77), construit des routes, des maisons, des pompes à eau et des sanitaires. Ces mesures et des actions symboliques, comme l’érection de statues d’Ambedkar dans les lieux publics18 , avivent les tensions entre les bénéficiaires dalits et les autres castes pauvres. La stratégie du nombre et la représentation du groupe Les factions et les coalitions instables caractérisent donc le jeu électoral indien aujourd’hui. Les pauvres doivent ainsi s’allier dans un paysage où les partis sont de plus en plus fragmentés. La prise de parole passe en effet par la force du nombre et par la mobilisation autour d’un groupe « imaginaire ». Au niveau local, la « conscientisation » des pauvres et leur mobilisation s’accélère, comme en témoigne le cas d’un bidonville de Calcutta19, où depuis les années cinquante, des migrants s’entassent. Cette migration incessante ne s’inscrit dans aucun réseau d’accueil préalable qui l’organiserait en communauté structurée. Pourtant, les migrants ont dû agir en groupe (collective) pour faire front aux autorités menaçant de détruire leur habitation. Leur progressive organisation a pris la forme d’associations d’entraide sociale (cliniques, organisation de festivals, de rencontres…), outre les réseaux informels de solidarité nécessaires pour trouver un emploi ou survivre financièrement. Cette mobilisation a forcé l’écoute des autorités. Ainsi la revendication des pauvres s’opère nécessairement sur une base communautaire et non individualiste. Cette forme d’action permise par l’invention d’une communauté et par l’utilisation de structures traditionnelles (liens de parenté et de caste) pour nourrir une rhétorique de l’autonomie et de l’égalité des droits se révèle particulièrement moderne. La protection de l’électeur pauvre La mobilisation des basses castes est favorisée par l’évolution récente de l’Etat de droit. La Commission électorale s’est révélée une institution fondamentale. Cette dernière assure le bon déroulement des élections et supervise les opérations de vote dans chaque Etat. Elle a redoublé d’efficacité sous la présidence de T.N. Seshan de 1991 à 1996 (chief election commissionner). Elle a en effet procédé à la multiplication des observateurs et des forces de sécurité, à la protection renforcée des électeurs, et a soumis les partis à plus de transparence – plafonnement des budgets de campagnes électorales... Ainsi les violences lors des élections ont considérablement baissé, assurant une plus grande liberté du vote. La montée du taux de participation dans des régions de tension comme en Uttar Pradesh en témoigne. La protection des électeurs les plus vulnérables favorise leur mobilisation et la reconnaissance de leur rôle politique. L’émancipation politique des pauvres apparaît dans les propos de Viramma, porte-parole des « parias » : « nous on dit à chacun qu’on votera pour lui, et on prend l’argent. Mais de toute façon, il n’y a qu’une voix par personne, et il faut voter pour une seule personne » 20. Les mesures d’intimidation lors de la campagne de vote et les vengeances des candidats déboutés (destruction du quartier intouchable du village…) décrites par ce témoin n’empêchent donc pas les pauvres de voter pour le candidat de leur choix. Le pauvre : un acteur en voie de conquérir sa place ? La spécificité d’une réflexion sur la pauvreté en Inde réside dans l’inbrication des aspects socio-économiques et des considérations de statut et de pouvoir. Certes les catégories de « pauvres », « basses castes » et « intouchables » ne sont pas assimilables. Pourtant, en retenant la caste comme critère majeur dans la définition de sa population cible, la politique de discrimination positive mêle la notion de retard social et économique et celle d’infériorité statutaire. Cette politique, d’abord réservée aux seuls SC et ST, a pris une nouvelle dimension en s’élargissant aux autres groupes défavorisés en 1990 : elle confirme une réflexion en termes de statut et d’appartenance de caste plutôt qu’en termes de classe au sens socio-économique. Cette politique catégorielle de compensation préférentielle a deux effets pervers. D’une part elle favorise la castéisation du jeu politique et la fragmentation de l’électorat des « pauvres », fragmentation largement exploitée par les partis. D’autre part, elle politise les enjeux sociaux dont celui de la pauvreté. Mais cette politique a aussi des effets positifs. Le nouveau rôle que les basses castes et les intouchables sont aujourd’hui conscients de tenir remet en cause le pouvoir traditionnel détenu par les seules hautes castes et élargit le pluralisme démocratique. C’est donc paradoxalement en reconnaissant la caste comme moteur d’injustice qu’elle sert de vecteur à plus d’égalité sociale. Ce paradoxe est inscrit au cœur de la Constitution de 1950, qui a pour finalité d’intégrer socialement et économiquement les populations défavorisées, alors que leur catégorisation systématique les stigmatise comme telles. Les dernières décennies témoignent d’avancées importantes, mais l’amélioration en profondeur de la condition des pauvres – rattrapage du retard dans l’éducation, évolution des conditions de vie…est lente. Cette lenteur témoigne du manque de volonté au niveau gouvernemental et de l’ambivalence face à la question de la pauvreté d’une classe politique composée majoritairement d’élites. Pourtant, la clé d’une action sociale efficace semble bien résider dans la participation effective des plus démunis au pouvoir. Or, la fragmentation des pauvres ne permet à aucun parti dalit d’avoir la majorité, ce qui oblige, à terme, à une mobilisation communautaire. Cette dernière est d’autant plus nécessaire que la libéralisation de l’économie indienne depuis les années quatre-vingt a pour conséquence de réduire les budgets sociaux21. La participation politique des pauvres permettrait également de les sortir d’une autre forme de pauvreté, psychologique et tout aussi violente, celle du stigmate de l’infériorité statutaire, de la dignité bafouée.

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Notes

1 Viramma, Racine J. L. & J., Une Vie Paria. Le Rire des Asservis, Paris, Plon, 1994, 368 p.
2 Les données chiffrées de cet article sont issues du recensement indien de 1991, des chiffres du PNUD 1997, et d’enquêtes menées à Mumbai entre 1993 et 1998. Le seuil de pauvreté est calculé à partir des dépenses de consommation nécessaires pour assurer 2400 calories/personne/jour dans les zones rurales et 2100 calories/personne/jour dans les zones urbaines : 450 millions de personnes sur 950 millions se situeraient aujourd’hui sous ce seuil. Des mesures plus qualitatives de la pauvreté sont utilisées également pour la recherche ou les programmes gouvernementaux, qui tiennent compte entre autres du niveaux d’éducation et de l’espérance de vie, de la propriété et de la profession.
3 Les données chiffrées de cet article sont issues du recensement indien de 1991, des chiffres du PNUD 1997, et d’enquêtes menées à Mumbai entre 1993 et 1998. Le seuil de pauvreté est calculé à partir des dépenses de consommation nécessaires pour assurer 2400 calories/personne/jour dans les zones rurales et 2100 calories/personne/jour dans les zones urbaines : 450 millions de personnes sur 950 millions se situeraient aujourd’hui sous ce seuil. Des mesures plus qualitatives de la pauvreté sont utilisées également pour la recherche ou les programmes gouvernementaux, qui tiennent compte entre autres du niveaux d’éducation et de l’espérance de vie, de la propriété et de la profession.
4 L’ambiguïté du terme de caste vient de ce qu’il traduit deux notions différentes : le varna et la jati. La première réfère à un découpage religieux théorique et ancien de la société hindoue en quatre varna (couleur) ou classes (prêtres (brahmanes), guerriers (kshatriya), marchands (vaishya), serviteurs (shudra)) de laquelle sont séparés les intouchables, selon la division rituelle et fonctionnelle. Ce découpage oriente encore aujourd’hui les représentations et les pratiques sociales et professionnelles selon les critères de pureté et de pollution. C’est toutefois l’appartenance à la caste au sens de jati, terme vernaculaire pour désigner le groupe de naissance endogame, qui structure les relations entre les individus.
5 On retrouve ce système spécifiquement nord-indien avec des variantes et sous d’autres organisait les interrelations socio-économiques des populations rurales et assurait la rétribution en nature des services rendus par différentes castes aux familles de caste dominante[[Selon le sociologue M. N. Srinivas, la caste dominante est celle dont le nombre domine dans une localité, majorité numérique qui coïncide en général avec le pouvoir socio-économique et politique. Elle est souvent celle qui possède les terres et le prestige.
6 « Indian culture and civil society are not equipped to handle the new types of disparities occasioned by the new phenomenon of poverty ; they have handle disparities and inequalities for long but these were endogenous to their structure and hierarchy ». Khotari R., Growing Amnesia, Dehli, Oxford University Press, 1996, 83 p.
7 La classe moyenne indienne est un concept flou. Sous cette dénomination, on désigne ici une bourgeoisie urbaine qui comprend les personnes disposant d’un revenu annuel moyen de 1500 dollars et aux habitudes de consommation occidentalisées.
8 J. Nehru, discours du 14 août 1947.
9 La première tentative nationale d’instaurer une politique compensatrice pour les castes arriérées apparaît avec la réforme Montagu-Chelmsford de 1918. Les groupes défavorisés sont classés en Depressed Classes, Tribes, et Other Backward Classes. Les quotas sont alors utilisés pour définir les électorats et/ou les sièges séparés dans les conseils régionaux et au niveau central. Par le Governement of India Act de 1935, les Depressed Classes obtiennent des sièges réservés, et en 1936, un contingent de postes reservés dans l’administration, quota élevé à 8,3% des postes en 1943.
10 Ainsi, la liste des SC est fixée par le gouvernement central et ne peut être révisée que par le Président de la République, alors que la liste des OBC est redéfinie par des autorités centrales ou des Etats à chaque nouvelle mesure préférentielle.
11 Il est important de remarquer les variations régionales dans l’application de cette politique : les pourcentages des bénéficiaires et l’importance des réservations attribuées, ainsi que les modalités d’application diffèrent selon les Etats. De manière générale, le mouvement en faveur des castes arriérées a été plus important dans le Sud que dans le Nord de l’Inde où les divisions hiérarchiques sont plus rigides.
12 Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, plus d’un million de métayers (bargadar) se voient attribuer légalement leurs tenures lors de l’« opération barga ».
13 Dalit signifie littéralement opprimé, bafoué, écrasé. Il désigne plus précisément le mouvement politique d’émancipation socio-culturel des castes intouchables. Dans le Maharashtra, c’est celui des Dalit Panthers, qui émerge dans les années soixante et qui rassemble majoritairement des mahar. Il faut donc souligner la flexibilité du terme, quelquefois réservé aux mahar néo-bouddhistes, ou utilisé littéralement comme synonyme d’opprimés ou d’intouchables militants. C’est en ce dernier sens qu’il est de plus en plus employé par les media aujourd’hui pour caractériser le réveil des classes inférieures.
14 Dalit signifie littéralement opprimé, bafoué, écrasé. Il désigne plus précisément le mouvement politique d’émancipation socio-culturel des castes intouchables. Dans le Maharashtra, c’est celui des Dalit Panthers, qui émerge dans les années soixante et qui rassemble majoritairement des mahar. Il faut donc souligner la flexibilité du terme, quelquefois réservé aux mahar néo-bouddhistes, ou utilisé littéralement comme synonyme d’opprimés ou d’intouchables militants. C’est en ce dernier sens qu’il est de plus en plus employé par les media aujourd’hui pour caractériser le réveil des classes inférieures.
15 Argument développé par C. Jaffrelot, La démocratie en Inde, Paris, Fayard, 1996.
16 Viramma, op. cit., p. 464, p. 344.
17 En 1996, 3000 démolitions pré-mousson ont lieu ; en janvier 1997, dans un bidonville de Mumbai, les huttes sont rasées et 70 familles se retrouvent sans toit.
18 Le projet d’ériger dans le tout nouveau square de la révolution de Lucknow (Pariwartan Chowk) des grandes figures de la lutte anti-brahmane et de leaders dalits, dont celles d’Ambedkar, Periyar, Phule, Shahu Maharaj, est ressenti comme une attaque par les autres castes, en particulier les OBC. Le gouvernement tombe avant de mener à bien ce projet.
19 Communication de Partha Chatterjee, Community in the Est, XVIIth World Congress of the International Political Science Association, Séoul, août 1997.
20 Viramma, op. cit., p. 361.
21 Le nombre de pauvres, mesuré en consommation calorifique, qui avait chuté depuis les années soixante-dix, aurait remonté après les mesures de libéralisation de 1991.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Marie-C. Saglio-Yatzimirsky, « La pauvreté en Inde : une question de castes ? »Cultures & Conflits [En ligne], 35 | automne 1999, mis en ligne le 16 mars 2006, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/conflits/195 ; DOI : https://doi.org/10.4000/conflits.195

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